Travailler moins pour… travailler mieux ?

Travailler moins pour être plus productif au travail...

Travailler moins pour être plus productif au travail… Les salariés seraient plus productifs au travail en ne se rendant au bureau que trois jours par semaine… Vous ne rêvez pas : il s’agit bien du résultat d’une étude australienne on-ne-peut-plus sérieuse, menée par l’Université de Melbourne. Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs se sont penchés sur les réactions cognitives de quelque 6500 quadragénaires. Explications.

« Plus vous travaillez, plus la balance journalière de vos émotions est mauvaise. » Pour Mickaël Mangot, économiste professeur à l’Essec et auteur de Heureux comme Crésus ? Leçons inattendues d’économie du bonheur (Eyrolles), le travail constitue l’une des activités humaines présentant le plus mauvais équilibre émotionnel… entendez par là le résultat des émotions négatives (telles la peur, la tristesse mais surtout le stress) soustraites aux positives (au premier rang desquelles la joie, la sérénité ou encore le contentement.) « Au travail, vous vivez beaucoup plus de stress que de moments de rires, » poursuit cet expert. « Il n’est donc pas étonnant d’observer que l’équilivre est mauvais. » Et ce, a priori, quelque que soit le type d’activité ou de structure. « Des études montrent que même chez les personnes fortement satisfaites de leur emploi, la balance émotionnelle reste négative au travail », pointe Mickaël Mangot, ironisant : « il y a du stress partout, même chez Google ! »

N’abuser de rien… même en étant passionné!

De fait, les chercheurs de l’université de Melbourne l’affirment : si travailler permet de stimuler l’activité intellectuelle, une overdose de deadlines et de tâches à effectuer démultiplient stress et fatigue, endommageant par ricochet nos fonctions cognitives. Plus concrètement, travailler plus de 60 heures hebdomadaires aurait des répercussions plus grandes sur notre cervelle, notre état d’esprit, et donc notre bien-être que le fait de ne pas travailler du tout. Et peu importe l’appétence pour notre activité professionnelle. Des conclusions qui rejoignent l’analyse de Mickaël Mangot : « les adultes travaillant extrêmement peu et, de l’autre côté du spectre, ceux travaillant énormément, ont tendance à être moins heureux que les autres. » Avec des conséquences loin de se limiter au domaine psychologique, car « le bonheur a comme effet collatéral d’augmenter la productivité des gens », explique Mickaël Mangot.

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Lever le pied : des bénéfices concrets

Un constant que certains pays ont commencé à expérimenter au sein de leurs administrations et entreprises. Parmi ces nations avant-gardistes en termes de bien-être, la Suède fait, comme dans bien d’autres domaines parallèles, office de bonne élève : ainsi, la mairie de Göteberg, deuxième ville du pays en termes de poids économique et démographique, a instauré en 2015 dans plusieurs de ses services la semaine de 30 heures de travail hebdomadaires, contre 40 auparavant. Le tout pour un salaire inchangé (bien entendu). Une pratique loin de se limiter aux seuls services publics suédois. Des salariés de l’usine Toyota de cette ville travaillent six heures par jour depuis plus de 13 ans.

Et les résultats à l’échelle de cette manufacture sont pour le moins probants : non seulement le turn over a baissé mais les profits ont grimpé de 25%… Des résultats reflétant les conclusions d’une étude de l’OCDE publiée en 2013 par The Economist, assurant que plus un individu travaille, moins il est productif… et moins il est rémunéré. Un constat basé sur les pratiques de la trentaine de pays membres de l’OCDE : ainsi, si les Grecs travaillent 2000 heures par an en moyenne contre 1400 chez les Allemands, ces-derniers affichent une productivité nationale supérieure de 70%.

Pas étonnant dès lors d’apprendre que le surprésentéisme, très répandu dans l’Hexagone où il touche encore plus d’un salarié sur deux, ait un coût : un chercheur de l’université de Cornell affirmait en 2012 qu’il représentait entre 20 à 60% pour les cas les plus extrêmes des dépenses qu’un employeur doit supporter en raison des problèmes de santé de ses salariés…

Les “professionnels du bonheur” ou les DRH new age

« De plus en plus de directeurs des ressources humaines s’intéressent désormais aux différents leviers permettant d’améliorer le bien-être de leurs salariés, » relève de son côté Mickaël Mangot. Certaines pépites du digital, en particulier outre-Atlantique, recrutent même des “Chief Happiness Officer”: une fonction encore méconnue visant à soigner le bonheur au sein de l’open-space, à la fois en accueillant les nouvelles recrues, mais également en identifiant les problèmes ressentis par les employés et en tentant ainsi de leur apporter des solutions adéquates. “Les actifs, en particulier les jeunes générations, sont globalement en quête de sens”, ajoute Mickael Mangot. “La flexibilité sur les horaires, en d’autres termes la gestion autonome  du temps de travail impacte le bien-être positivement… et donc l’efficacité.”

Heureux et productif… selon le contexte

Une quête d’autonomie particulièrement développée chez les jeunes, de plus en plus nombreux à être “slasher”, du nom de ces professionnels cumulant plusieurs activités en même temps. « Ce statut permet d’accéder aux différentes composantes du bien-être psychologiques en multipliant les tâches », précise Mickael Mangot. « Certaines, lucratives, vous apportent une sécurité financière, tandis que d’autres vous permettent d’utiliser pleinement vos compétences. »

Mais une meilleure créativité rime-t-elle forcément avec davantage de productivité ? L’économiste apporte un zeste de nuance : « s’il est vrai que, plus une société est petite, plus les actifs sont satisfaits, ceux travaillant dans une TPE ou à leur compte ne profitent pas de l’organisation d’une grosse structure. Mécaniquement donc, leur productivité chute par rapport à celle de leurs camarades de promotion, salariés dans une entreprise de taille importante. » Travailler moins pour travailler mieux, une équation aux multiples variables…

Claire Bauchart

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