Sarah Ourahmoune : l’audace jusqu’au bout des gants

Sarah Ourahmoune

Elle a fait vibrer la France en devenant vice-championne olympique de boxe à Rio, en 2016. Depuis, Sarah Ourahmoune mène de front de multiples projets et engagements, notamment au sein du Comité national olympique. Elle est revenue sur sa carrière sportive et son quotidien d’entrepreneure au cours d’une rencontre au Business O Féminin Club. Morceaux choisis.

Mère modèle

Sarah Ourahmoune : J’ai grandi dans une famille assez modeste de six enfants : trois filles et trois garçons. Mes parents sont arrivés d’Algérie dans les années 1980. Ma mère, qui était infirmière là-bas, est devenue femme de ménage. Mais elle avait l’âme d’entrepreneure et a investi dans l’immobilier à côté. Elle m’a montré qu’il fallait se retrousser les manches, se battre pour atteindre ses objectifs. De plus, elle croyait aux vertus éducatives du sport. À chaque rentrée, elle nous imposait de choisir, à tour de rôle, une activité dans le guide de la ville. Pour des raisons de logistique, on pratiquait tous la même. On a testé la natation, le judo, la danse classique et même le rock acrobatique ! Et puis en 1996, à l’âge de 14 ans, je suis passée devant une salle de boxe magnifique, recouverte de fresques, avec des vieux rings effilochés…

Le révélateur du ring

Sarah Ourahmoune : Les débuts ont été assez compliqués car j’étais la seule fille du club. “Tu vas t’abîmer”, “C’est pas beau une femme qui boxe”… : très tôt, j’ai compris que je devais me protéger de ces réactions pour ne pas abandonner. Lorsqu’en 1999, la Fédération a enfin autorisé les femmes à prendre une licence de boxe anglaise, j’ai accepté un premier combat. J’ai adoré ce moment. Le ring, c’est un peu le sérum de vérité : on est à nu, tout ce qu’on pense, tout ce qu’on est s’y révèle. La boxe m’a aidée à me connaître et à mieux gérer mes émotions.

Thérapie entrepreneuriale

Sarah Ourahmoune : En 2008, alors que je songeais à raccrocher les gants après mon titre de championne du monde, j’ai appris que la boxe allait intégrer le programme des Jeux olympiques de Londres. Le premier et seul tournoi de qualification, “par mort subite”, s’est tenu en mai 2012. Alors que je pensais être prête, après quatre ans de préparation, j’ai craqué mentalement dans l’ultime combat. J’avais alors 30 ans, un désir déjà repoussé de devenir maman, des projets professionnels plein la tête. J’ai donc choisi de mettre un terme à ma carrière et de me lancer dans l’entrepreneuriat, un peu comme une réparation au départ. J’ai rapidement réalisé que cet état d’esprit me convenait parfaitement. La boxe m’a appris à digérer les défaites, à dédramatiser l’échec. Pour moi, l’entrepreneuriat ressemble au jardinage : je plante dix graines, s’il y en a une qui prend, c’est bien.

Mental d’acier

Sarah Ourahmoune : Deux ans après ma retraite sportive, les Jeux m’ont titillée de nouveau et j’ai repris l’entraînement. On me soutenait, y compris parmi mes proches, que j’étais folle, que je n’avais plus rien à prouver, que je ne me relèverais pas d’un autre échec… La Fédération a refusé de m’accompagner. J’ai fait abstraction et j’ai décidé d’orienter ma préparation sur le mental. Lorsque je remplaçais une séance physique par de la sophrologie, mon beau-père, qui m’entraînait, s’arrachait les cheveux ! Mon préparateur mental me donnait des exercices de respiration, de visualisation positive pour me conditionner, mais aussi pour travailler mon attitude et gagner en agressivité. Au départ, j’étais dubitative, puis j’ai pris conscience que cela m’aidait à clarifier ma stratégie et que je me sentais plus apaisée. La médaille à Rio, c’est 70-80 % de mental. J’en ai encore des frissons quand j’y pense.

Des projets tous azimuts

Sarah Ourahmoune : Le sujet de l’inclusion des femmes dans le sport m’occupe énormément. Je travaille sur un tout nouveau programme avec Adidas, “Les Puncheuses”, à destination des jeunes filles de 7 à 17 ans. À travers des jeux, des débats, des séances de boxe notamment, l’idée est de leur montrer l’importance du sport, de leur donner l’habitude d’enfiler des baskets, et surtout d’éviter qu’elles ne lâchent à 13-14 ans, car c’est souvent à cet âge qu’elles commencent à décrocher. Avec le Comité national olympique, dont je suis vice-présidente, je travaille aussi sur l’accès des femmes aux postes à responsabilité dans les instances sportives.

Aujourd’hui, on ne dénombre qu’une seule présidente de fédération olympique, Isabelle Lamour à l’escrime. Il s’agit donc de pousser des femmes à oser se présenter, puis de les aider à se préparer au mieux en vue des élections fédérales de 2020. Parallèlement, je suis engagée sur le volet héritage de Paris 2024 : l’objectif est de laisser une trace positive et de faire de ces Jeux un événement inclusif, dont pourront bénéficier, et auquel pourront contribuer les habitants des quartiers qui hébergeront les sites olympiques, notamment en Seine-Saint-Denis. Enfin, il y a tout ce que je fais dans le cadre de mon club de boxe, Boxer Inside : j’ai notamment mis sur pied une académie pour les enfants et un programme d’accompagnement pour les jeunes entrepreneurs porteurs de projets en lien avec les JO.

Sarah Ourahmoune retrace sa trajectoire incroyable dans Mes combats de femme, une biographie publiée en avril 2019 chez Robert Laffont.

Manon Dampierre

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