«Enormément de salariés n’hésitent pas à lancer : « c’est très dur en ce moment au boulot, mais bon, c’est normal. » » Une fatalité que Michelle Jean-Baptiste se refuse à accepter. Inspirée par ses propres expériences professionnelles et les cas auxquels elle a été confrontée en tant qu’avocate, elle publie Libérez-vous de la pression au travail (Fortuna). Dans son ouvrage, elle livre plusieurs pistes à explorer pour se défaire du stress quotidien et latent qui nous monopolise l’esprit… et nous conduit souvent à un certain fatalisme. « Il est tout à fait possible de travailler dans de bonnes conditions », martèle cette auteure. Certes, mais comment ?
Se préoccuper du « big picture »
En premier lieu, Michelle Jean-Baptiste appelle à remettre les choses à leur juste place, en n’hésitant pas à pointer un exemple extrême, mais convaincant : « c’est bête à dire, mais il faut absolument prendre de la hauteur : entre le dossier à traiter, le client à voir et une maladie grave, n’oublions pas de relativiser. » Un conseil qui semble couler de source mais, assure-t-elle, « très souvent, on est fatigué, on s’énerve, on est sous pression pour des bêtises car l’on s’inscrit dans une dynamique du « toujours plus, toujours plus vite ». »
Et pour laisser le travail à sa juste place, l’avocate appelle en premier lieu à maîtriser la part de stress provenant non pas de ses supérieurs hiérarchiques… mais de soi. « J’ai pu constater que beaucoup de personnes que l’on pourrait qualifier de « workoholics » cherchaient à tromper d’autres angoisses, à donner l’exemple, et avaient tendance à se préoccuper un peu trop de leur représentation auprès des autres », affirme cette observatrice de l’univers professionnel.
Le souci (étouffant) du regard des autres
Plus encore, Michelle Jean-Baptiste assure que « l’on a souvent une part de la pression sociale que l’on se met seule en se persuadant de devoir vivre dans un quartier particulier ou encore d’acheter tel type de voiture. » Un dynamique qui empêche parfois de rester acteur de sa propre vie professionnelle. « Avant de procéder à une dépense d’envergure, il faudrait systématiquement en convertir la valeur numéraire en valeur temps, » estime Michelle Jean-Baptiste. « Si, avant d’acheter un beau sac à main, on se pose la question : « cela vaut-il le temps que je vais devoir y consacrer pour l’acquérir ? », cela peut nous amener à reconsidérer nos velléités et donner plus de valeur à notre qualité de vie professionnelle au quotidien. »
Un contexte général catalysant la précarité…
Remettre les choses à leur juste place, ne pas accepter des sacrifices démesurés : des clés essentielles pour se délester en partie de la pression souvent liée à notre travail. Avec des nuances néanmoins, tempère Michelle Jean-Baptiste. A travers son activité d’avocate, elle pu constater une sur-exposition des femmes à la précarité du marché de l’emploi. De fait, en France, 10,7% des femmes salariées étaient en CDD en 2014, contre 6, 7% des hommes, selon l’Insee.
Plus généralement, le niveau de pression professionnelle est également corrélé au statut : en clair, les salariés sont loin d’être confrontés aux mêmes angoisses que les indépendants. Un statut dont Michelle Jean-Baptiste n’hésite par ailleurs pas à pointer l’ironie de l’intitulé : « un certain nombre de personnes non seulement ne sont pas indépendantes par choix, beaucoup de secteurs faisant de plus en plus appel aux auto-entrepreneurs », déplore-t-elle. Et ce d’autant que beaucoup de freelancers, s’ils sont indépendants juridiquement, sont loin de l’être économiquement, car ne dépendent que d’un ou deux clients majeurs.
… qui pourrait également faire bouger les lignes
Une situation qui ne doit pour autant pas pousser à la résignation, positive Michelle Jean-Baptiste. « Le mieux est de ne pas hésiter à demander de l’aide et… de prendre des risques en se demandant quel est notre objectif profond, ce à quoi l’on est attaché. »
Un discours qui renvoie à la quête de sens si chère à cette génération Y qui se lance depuis quelques années à l’assaut d’un marché du travail peu accueillant. « Les jeunes, les indépendants, sont de plus en plus déloyaux à leur entreprise, contrairement à leurs aînés. Certains n’hésitent pas à changer régulièrement de structure, ils sont plus flexibles, » relève-t-elle. De quoi quelque peu forcer la main des structures professionnelles, de plus en plus nombreuses à se pencher sur le mode de management des start-ups et à intégrer le bien-être au travail dans leurs process de ressources humaines. Exemple révélateur : en Avril 2014, le groupe Kiabi, entreprise de prêt-à-porter dont les cadres se situent a priori aux antipodes des geeks aux sweats à capuche de la Silicon Valley, se dotait d’une « chief happiness officer. » Sa mission : introduire du vivre ensemble, du collectif dans la société…