Mounia Rkha : Entrepreneures, les grandes perdantes des levées de fonds

Mounia Rkha

Sur les quelques 261 start-ups ayant levé des fonds en 2015 dans l’Hexagone, à peine 15% comptaient des entrepreneures parmi leurs membres fondateurs, selon le réseau Girls in Tech. Une proportion peinant à croître et qu’une étude de l’université américaine de Wharton explique, certes, par un déficit de confiance en elles des créatrices. Mais aussi par un manque de diversité côté investisseurs.

“10% seulement des dossiers que je reçois sont soutenus par des femmes.” Mounia Rkha, aux manettes du Seed Club, branche dédiée aux entreprises en gestation chez le fonds spécialiste des entrepreneurs du web Isai, ne peut que regretter le manque criant de créatrices parmi les équipes de start-ups qui frappent à sa porte. “J’ai financé 6 projets. Un seul compte un co-fondatrice.” 

Ralenties dès la ligne de départ…

Un taux qu’elle qualifie de “tristement bas” et que les différentes études sur le sujet ne viennent que corroborer. Outre-Atlantique, les créateurs d’entreprise démarrent leur business avec en moyenne deux fois plus de fonds que leurs homologues féminines, à en croire le National Women’s Business Council, cabinet de conseil alertant régulièrement le gouvernement américain sur le poids économique que pourrait représenter les entreprises fondées par des femmes. Autre statistique révélatrice : Entre 2012 et 2014, seules 0, 2% des entrepreneures noires ont levé des fonds auprès de capital-investisseurs américains.

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… par des freins parfois inconscients

“Non seulement la société n’a pas l’habitude de voir des entrepreneures, mais les femmes elles-mêmes ont tendance à se sous-estimer, à avoir l’impression de manquer de capacités,” commente Mounia Rkha.

Un constat que dresse également l’étude de Wharton: “au regard du faible taux de réussite des entrepreneurs, ceux qui se lancent ont tendance à avoir une confiance en eux sur-développée”, affirme Ethan Mollick, professeur spécialiste d’entrepreneuriat et d’innovation au sein de la prestigieuse université. Or, cette caractéristique n’est pas souvent l’apanage des femmes dont l’humilité reste très marquée, y compris en cas de succès.

Une manque de confiance en soi que Catherine Abonnenc, membre du conseil d’administration du réseau Femmes Business Angels, observe en particulier chez les créatrices d’entreprises quadragénaires: “je retiens une différence d’attitude suivant l’âge des porteuses de projets. Celles âgées de 40 ans et plus sont plus humbles, plus posées que les hommes,” observe-t-elle, là où Mounia Rkah pointe un “syndrôme de la première de classe” qui inhiberait les ambitions de beaucoup de femmes.

Notre reportage sur les femmes dans la Tech à Londres

De l’importance d’accepter l’échec

“Nous avons tellement de choses à prouver à la société que nous redoutons de perdre en crédibilité en cas d’échec,” analyse-t-elle. Or, comme le souligne l’enquête de Wharton, la réussite d’un projet entrepreneurial passe par le fait de réessayer après une déconvenue.

“Les femmes sont moins susceptibles de retenter leur chance après un premier coup dur,” déplore Ethan Mollick, soulignant qu’elles sont par ailleurs moins galvanisées par le succès que les hommes. “A l’échelle d’un pays, cette somme de comportements individuels aboutit à une disproportion entre les taux de fondateurs et fondatrices de sociétés,” insiste-t-il.

Un constat regrettable lorsque l’on sait que la persévérance reste la clé pour percer dans le monde entrepreneurial. Pierre Kosciusko-Morizet, fondateur de PriceMinister, Jack Dorsey, créateur de Twitter ou même encore Walt Disney ont tous essuyé des revers avant de connaître les ascensions qu’on leur connaît.

Entre mimétisme répété et manque de rôles-modèles

Des succès essentiellement masculins, à l’image des investisseurs qui misent sur des start-ups prometteuses. “Environ 40% des entreprises créées aux Etats-Unis comptent des femmes parmi leurs confondateurs,” décrypte Ethan Mollick. “Mais seulement 2 à 4% sont financées par des fonds d’investissement.” Car, explique-t-il, les “capital risqueurs” ont tendance à être des hommes d’une cinquantaine d’années misant sur… leurs clones en plus jeunes.

Un engrenage que regrette d’autant plus Mounia Rkha que “l’entrepreneuriat numérique constitue une opportunité en or pour les femmes.” Selon elle, la flexibilité induite par le digital, couplée à la création d’entreprise, permet de rattraper l’écart entre les sexes, prédominant dans la plupart des domaines. “Je peux travailler partout avec mon téléphone portable,” relève cette investisseuse.

Un  argument à méditer: dans le domaine des fintechs, pour ne prendre que cet exemple, les femmes ne représentent qu’à peine 5% des entrepreneures.“Considérons ce faible taux comme une opportunité,” ironise Mounia Rkha. “Les femmes sont si peu nombreuses dans l’écosystème entrepreneurial qu’investisseurs et journalistes se souviennent forcément de celles qu’ils rencontrent… et ont tendance à vouloir les mettre en avant.

@clairebauchart

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