Je les ai rencontrées à Deauville lors du dernier Women’s Forum, ce grand forum qui réunit tous les ans au mois d’Octobre, ce que le monde compte comme femmes influentes. Une quinzaine de femmes tunisiennes, souriantes, enthousiastes et énergiques. Cette énergie dont nous avons tant besoin aujourd’hui m’a marqué. Au milieu de ce groupe de femmes pharmacienne, chercheuse, chefs d’entreprise ou avocate, une chevelure blonde encadrant un immense sourire, Sonia. Tunisie
Sonia, c’était pour moi l’amie d’une amie, donc une amie à laquelle j’avais promis soutien et assistance pour son projet, celui d’organiser à Tunis le second forum de l’Art de Vivre et du Patrimoine. 3 mois plus tard me voilà à Tunis sous un soleil radieux qui me change de la grisaille parisienne, au milieu d’une centaine de personnes réunies pour ouvrir ce fameux festival. Lorsque Sonia vous dit qu’elle va le faire, croyez-la, elle le fait.
Enthousiasmée par la culture tunisienne, chère à son cœur, elle qui nous montre la maison de son arrière grand-père dans le charmant village bleu et blanc de Sidi Bou Said, elle a décidé de la mettre en valeur et de montrer aux acheteurs potentiels en quoi son pays possède des artisans exceptionnels.
Sans les femmes, rien n’aurait été possible
Ce n’est pas seulement la culture qui me fascine durant mon séjour. Ce sont les femmes que je vais rencontrer tout au long de cette semaine au cours duquel les manifestations contre le chômage obligeront le gouvernement à instaurer un cessez le feu. On me raconte ce que j’ai lu dans la presse mais avec les détails de ceux qui l’ont vécu en vrai ! En 2013, ce sont les femmes qui étaient dans la rue tous les soirs pour défendre les droits, et ce sont elles encore aujourd’hui qui n’entendent pas se laisser faire. Tunisie
Tous, hommes et femmes, me le diront tout au long de cette semaine passée en Tunisie. Sans les femmes, rien n’aurait été possible après la révolution. Ce pays, qui a fait ce qu’aucun autre pays n’a jamais fait, écrivant une constitution instituant une égalité totale entre les femmes et les hommes, ce pays que son ancien Président Habib Bourguiba avait porté dans la modernité en promulguant le code du statut personnel le 13Aout 1956, ce pays souffre aujourd’hui d’une récession économique forte et bien évidemment ce sont les femmes qui en font les frais dans certaines régions et certains milieux. Tunisie
Les filles sont meilleures à l’école mais ne sont que 31,3% de la population active
Pourtant, 63.6% des lauréats du baccalauréat sont des filles, 63.5% sont étudiantes du supérieur et 67% sont diplômées de l’enseignement supérieur. Mais il est plus difficile pour elles de trouver un emploi. Alors elles ne sont plus que 31.3% de la population active. A l’inverse, elles sont nombreuses en politique et représentent 40% des parlementaires.3 femmes sont Ministres du nouveau gouvernement nommé en 2014 et 5 secrétaires d’Etat.
Alors ces chiffres ne sont pas fantastiques me direz-vous. Certes, mais il n’y a pas que les chiffres, il y a la volonté, la pugnacité, l’enthousiasme, l’esprit de cohésion qui les poussent lorsqu’elles en ont le pouvoir, à se réunir pour faire avancer les sujets. Qu’elles soient des héritières et tiennent les rênes de la société familiale, ou qu’elles aient créée leurs propres sociétés, elles ont toutes à cœur de soutenir les autres femmes et de pouvoir continuer à participer au pouvoir.
Pour cela, elles se rendent visibles, crée des associations, font parler d’elles tout en gérant les maisons car ce sont elles aussi qui s‘occupent de la famille. Elles travaillent dur, dans de nombreux secteurs, et ont profité, pour certaines d’entre elles, de la révolution pour se libérer de maris trop oppressants. J’en rencontre de ces femmes qui ont soudainement claqué la porte de la maison refusant qu’on leur dicte leur conduite plus longtemps. La révolution a donné des ailes à celles qui étouffaient.
N’oublions pas les tunisiennes
J’ai rencontré de nombreux hommes ouverts et sympathiques me décrivant combien ils admirent leurs femmes et combien les moments actuels sont difficiles pour sauvegarder ce qui a été gagné de haute lutte. L’un d’entre eux me dira : « les femmes tunisiennes n’ont rien à envier aux femmes européennes ». Je suis entièrement d’accord. Mais aujourd’hui la jeunesse souffre, pense qu’on lui a volé sa révolution et manque de propositions professionnelles pour s’engager dans une vie active pleine d’espoir. Tunisie
Je ne vous dirai pas leurs noms, celles que j’ai admirées se reconnaîtront, mais si vous voulez soutenir ce pays, il faut continuer à le visiter, il faut acheter les tuniques d’Ashkan, une très jolie marque de mode qui a sa propre boutique, il faut aller passer une nuit dans le Palais Bayam si magnifiquement rénové au cœur de la médina ou dans le palais de ce jeune couple délicieux de Sidi Bou Said qui vous invite comme un hôte de marque dans ce qui était la maison de leur arrière grand-père. Il ne faut pas les oublier, mes amies tunisiennes.
Muriel de Saint Sauveur
1er février 2016
