L’interview business de Valérie Messika

Valérie Messika
Il y’a des histoires gravées dans la pierre. Dans le microcosme joaillier, tout le monde connaît le nom des Messika. Ça ne suffit pas à en faire un destin. À coup de talent, Valérie a fini malgré elle par voler la vedette à la figure patriarcale. Elle nous reçoit dans son bureau parisien pour parler business. Du répondant, mais toujours argumenté, de l'humilité à travers la réussite, elle révèle à Business O Féminin, l’ascension fulgurante de sa marque éponyme. Tête-à-tête avec une précieuse entrepreneuse…

Le pitch sur votre parcours et votre poste ?

 L’univers de la joaillerie ne m’était pas inconnu puisque mon père est un acteur du secteur depuis plus de 45 ans. L’idée de reprendre le flambeau et de créer une maison de joaillerie ne faisait pas partie de mes vocations premières. Ce qui mes transcendait depuis ma plus tendre enfance : c’était la publicité et le branding. Après des études de marketing et communication au Celsa, j’ai eu la chance de travailler aux côtés de Jacques Séguéla. Puis comme un retour aux sources ou plutôt comme un saut dans le grand bain, je pousse les portes de la maison Chanel en 1999. Nous étions aux prémices de la structure dans l’univers de la joaillerie et l’horlogerie. Messika

Je me souviens avoir assisté à la création de la montre J12, avoir eu la chance de côtoyer Jacques Helleu (ndlr directeur artistique des parfums et de l’horlogerie Chanel) et Lorenz Bäumer. Cette expérience fascinante au cœur battant de ce grand nom fondé par Mademoiselle Chanel, avec ses archives, ses racines et sa philosophie, m’a permis de bénéficier de nombreux points de vue sur la façon dont fonctionne une maison. J’ai indéniablement aimé l’idée de construire une marque, ce côté 360.  C’est la transversalité de cette fibre artistique qui m’anime aujourd’hui dans mon quotidien et qui fait le succès et la force de Messika.

Votre maison éponyme est l’une des plus en vogue du microcosme joaillier, racontez-nous les prémices de cette aventure et la naissance de Messika ?

Le diamant est une pierre d’affect liée à mon père. Ce fut un moyen de communiquer de façon intimiste avec cet homme que j’admirais tant. Il m’a toujours laissé beaucoup d’accessibilité autour des pierres. J’y avais accès de manière ludique en les triant, les manipulant, en cherchant les inclusions comme sur le cadran d’une montre. Il m’a ainsi embarqué dans sa passion et m’a proposé de travailler à ses côtés dans l’espoir que je lui succède un jour. Docile, je me suis dit que je lui devais bien un an de ma vie. Avec son aura et son charisme, c’était fascinant de le suivre dans ses rendez-vous et respirer le monde de la joaillerie à ses côtés.

Mini Guide Entrepreneuriat

En 2003, le vent a tourné et mon père souhaitait s’envoler pour Israël afin de faire évoluer son métier. Ce fut une césure essentielle, lui qui n’aurait jamais accepté que j’évolue dans son ombre. Durant 3 ans, j’ai eu le temps d’analyser le secteur que je trouvais poussiéreux, connoté de trop de choses sacrées, avec la rengaine récurrente du diamant éternel. Le meilleur conseil que mon père ait pu me donner, c’est de ne pas tricher, de ne copier personne et de trouver ma place tant dans le ton que sur le style.

J’ai donc décidé de me lancer en imaginant des bijoux exclusivement autour du diamant (concevoir un mono-produit assoit l’expertise dans son secteur). Mon idée était de faire du diamant un accessoire de mode, d’obtenir un effet seconde peau tel un tatouage. Les mots d’ordre étaient légèreté, confort, brillance, le tout dans un packaging féminin et sexy qui parle aux femmes et que les femmes pourront elles-mêmes s’offrir.

Les liens filiaux font partie de l’ADN de Messika. Votre papa André, diamantaire, est notamment l’un des plus grands noms du négoce du diamant. Y a-t-il d’autres personnes qui sont précieuses dans l’aventure ?

Messika c’est une histoire de famille, une transmission mais aussi une envolée dans l’aventure entrepreneuriale, une (re)naissance personnelle. Bien évidemment mon père détient un rôle clé dans cette aventure humaine, mais il m’a laissé donner naissance à ce projet et en faire une maison qui me ressemble, qui nous ressemble. Il y’a 3 personnes qui font partie de l’histoire et qui l’écrivent encore aujourd’hui.

Aurélie Darmon : ma meilleure amie qui s’est enrôlée comme directrice marketing, mon cousin germain Didier véritable féru d’art : dans le domaine créatif et mon mari qui s’occupe de la distribution, de la partie commerciale et qui est directeur général de l’entreprise. Si cela fonctionne aussi bien depuis toutes ces années, c’est parce que chacun a sa place dans l’échiquier. Ce joyeux quatuor a depuis été rejoint par 200 salariés. Et nous en sommes fiers. Pour que la greffe prenne chez Messika, nous attendons de nos collaborateurs un certain état d’esprit, une souplesse et la faculté à s’adapter à toutes les situations.

Votre coup d’éclat a notamment été de dépoussiérer et décomplexer l’univers de la joaillerie. Qu’est ce qui fait que Messika est disruptif ?

L’ADN de Messika dans la conception même du bijou n’a rien à voir avec les codes traditionnels du secteur. J’avais envie d’une autre forme de communication joaillière. Notre coup d’éclat à certainement été d’être audacieux tant sur le produit que sur l’image de marque. Tout d’abord en faisant disparaître la monture pour faire exulter la pierre. Puis dans nos campagnes de communication avec cette dimension très mode, presque davantage à l’image d’un magazine plutôt que d’une publicité. Finalement la clé de voûte de notre réussite, c’est d’être « out of the box », d’oser et de n’être formaté par aucune règle.

Parlez-nous de votre leadership, vous êtes plutôt quel genre de boss ?  

Je n’ai jamais eu une âme de leader, ni réalisé de business plan. J’ai marché à l’intuition portée sans doute par une bonne étoile. Si l’on remonte les chemins de traverse de mon enfance, je me souviens encore être cette petite fille sur la réserve, qui n’osait pas. Ce que cette marque m’a appris et c’est ce en quoi elle est magique, c’est d’avoir confiance. Dans la croissance qui est la notre aujourd’hui, je me rends compte qu’il peut subsister des craquèlements dans notre fonctionnement interne. J’ai donc décidé d’organiser des formats « petit-déj » afin de communiquer et échanger en toute transparence avec mes équipes. Je leur rappelle les valeurs de l’entreprise, leur parle des projets en cours et à leur tour ils m’interviewent sans tabous.

Omnisciente, vous vous investissez tant sur l’image, que la création, la direction, artistique et la gestion. Du coup aucune journée ne se ressemblent…

C’est vrai, je m’investis sur le fonctionnement interne mais aussi sur la perception externe de Messika. Néanmoins, je suis nostalgique du temps ou ma créativité était sollicitée par ce qui se passe en dehors du bureau. Tout était source d’inspiration pour flairer l’air du temps : une expo, une balade en scooter, ou encore une séance de shopping. L’insouciance des débuts finalement…

Le digital est le nouvel air de notre époque et a totalement bouleversé les codes, tous secteurs confondus. Qu’en est-il de la joaillerie à l’ère du 2.0 ?

C’est le mot de notre époque ! Nous essayons d’être attentifs et vigilants à ce qui se passe car tout va très vite à l’ère de la digitalisation. À nous de nous adapter, d’être visibles pour ne pas tomber dans l’oubli. Auparavant il n’y avait que la pub et le produit. Actuellement, ce sont les réseaux sociaux et ce sera certainement autre chose demain. Nous maîtrisons assez bien Instagram, qui qui permet de beaux échanges notamment autour du storytelling et de l’expérience. Désormais, nous devons nous concentrer sur développement de notre e-commerce.

Quelles sont les personnalités qui vous inspire et pourquoi ?

Indéniablement Karl Lagerfeld parce qu’il réunissait une multitude de facettes.

Vous aimez entreprendre. Y-a-t-il encore un domaine à explorer et que vous souhaitez conquérir ?

La montre…

À votre avis, quelles sont les qualités d’une bonne entrepreneure ?

Savoir fédérer, c’est le secret.

Une exclu à nous dévoiler sur l’avenir de Messika ?

L’ouverture d’une prochaine boutique à New York.

Votre luxe ?

Cela peut paraître galvaudé mais le luxe, c’est le temps.

Vos écrins pour un dîner d’affaires, un spa, un concept store, un hôtel ?

J’aime le Café de Flore, une adresse parisienne incontournable ou encore la terrasse de l’hôtel Costes le matin. Cependant, l’idée de me ressourcer loin du tumulte de la ville reste un essentiel. Je le fais régulièrement avec mes filles et mon mari dans notre maison de campagne, un précieux havre de paix. On se connecte à des choses plus simples et à la nature. Et pour décompresser en toute quiétude je recommande le spa des Sources de Caudalie, un lieu assez unique au cœur des vignes.

La carte d’identité de Messika
CEO ? Valérie Messika
Dates clés ?
2005 : Messika voit le jour
2007 : Création de l’iconique Moove
2013 : Ouverture du premier écrin parisien
2014 : Inauguration de L’Atelier au sein de la maison mère et lancement des collections Haute-joaillerie
Effectifs collaborateurs ? 200 dont 67% sont des femmes
Nombre de boutiques ? 20 boutiques dans le monde et 430 points de vente multimarques
Philosophie ? Savoir faire et faire savoir, provoquer l’émotion

 

Propos recueillis par Stéphanie Laskar-Reich

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