Kenza, la modeuse 2.0

Elle donne un sacré coup de vieux aux magazines féminins!

Tout a commencé en 2008. Seule devant son ordinateur, une jeune fille tapote insouciamment sur les touches de son clavier. Elle poste ses premiers billets : des articles oscillant entre conseils tendance d’un côté, simplicité et fraîcheur de l’autre. « La revue de Kenza » est née. Cinq ans plus tard, la recette est toujours la même pour ce blog qui compte désormais près de 22 000 followers sur Twitter. Au point de faire de Kenza l’une des blogueuses les plus en vue de Paris. A 27 ans, elle fait même partie des 25 femmes qui font Paris en 2013 selon le magazine « La Parisienne ». Retour sur un web succès.

Comment avez-vous eu l’idée de créer votre blog, « La revue de Kenza » ?

Kenza : L’idée me trottait dans la tête depuis longtemps. Je consultais beaucoup de blogs dédiés à la mode. Le concept m’attirait beaucoup. J’avais envie de partager des choses car j’ai toujours aimé dénicher des bons plans, associer des pièces vintages, etc. Du coup, j’ai décidé de sauter le pas. J’ai pensé : « je vais créer mon blog et parler de ce que j’aime. » J’ai ainsi commencé à écrire, à poster des photos de mes voyages.

Puis, au bout d’un certain temps, j’ai mis en ligne mon premier « look » : un cliché de moi devant la porte de mon immeuble avec le crédit de mes vêtements. Voilà, la machine était lancée !

Quel est le but de votre blog ?

Kenza : Au départ, l’objectif était d’assouvir mon besoin de partager mes coups de cœur. Ce qui me plaît avant tout, c’est la communication. C’est d’ailleurs la seule matière, avec la sociologie, dans laquelle j’ai brillé en cours ! J’aimais l’idée de pouvoir créer des liens, mêmes virtuels, avec quelques lecteurs. C’était un jeu au départ, je m’amusais. Jamais je n’aurais pensé avoir autant de connexions !

Les connexions sur votre blog se mettent à grimper progressivement, puis s’envolent à partir de 2010.

Kenza : Cette année-là, je suis partie à Los Angeles faire un road trip. En particulier, je me suis rendue à Coachella, un festival de musique. J’ai décidé, au cours de ce voyage, de me lancer dans une série de tweet cams : des rendez-vous sur Twitter via une webcam. En gros, des gens m’envoyaient leurs questions par écrit, et je leur répondais en vidéo. Pendant toute la durée de mon voyage, j’ai ainsi posté des photos quotidiennement et organisé des tweet cams tous les deux jours. A ce moment-là, les connexions se sont multipliées. Cela a aussi été mon premier contact réel avec mes lecteurs.

Aujourd’hui, comment résumeriez-vous le contenu de votre blog ?

Kenza : Beaucoup de lifestyle. Mais aussi, des voyages, des bons plans, des soirées, des photos !

Quelle est votre formation ?

Kenza : Après mon bac, j’ai commencé un LEA anglais et italien à la Sorbonne. Mais au bout de deux semaines, j’ai vite compris que cela n’était pas pour moi. Ensuite, j’ai commencé une école de journalisme que je n’ai pas terminée… En fait, au cours de ma scolarité, je suis rentrée en stage dans un magazine de mode. J’ai adoré ce que je faisais, alors, j’ai quitté l’école pour faire des stages et des piges.

D’où tenez-vous cet attrait pour la mode ?

Kenza : Je le tiens essentiellement de ma mère. Elle a été mannequin chez Elite pendant plusieurs années. Elle a exercé ce métier jusqu’à ses 40 ans, j’ai donc pu la voir défiler. Elle a également monté une agence de publicité avec mon père lorsque j’étais plus jeune. Bref, elle a toujours eu cette double casquette de chef d’entreprise baignant dans le milieu de la mode !

Combien d’heures par jour consacrez-vous à votre blog ?

Kenza : J’y passe toutes mes journées, du matin jusqu’au soir ! J’ai des rendez-vous avec des annonceurs, je réceptionne certains vêtements que des créateurs m’envoient, je vois s’ils m’intéressent. Je réfléchis à la meilleure manière de communiquer sur tel ou tel produit : est-ce que ça va être de la photo, de la vidéo, un article ? Puis, les shootings sont incroyablement chronophages ! J’en poste un tous les jours ou tous les deux jours. Il faut retoucher les images, écrire les articles qui les accompagnent. Mon copain a la lourde mission de prendre les photos. Je limite au maximum les collaborations avec les photographes professionnels. Je pense que c’est important pour rester accessible.

Depuis 2010, plusieurs marques de vêtements sont présentes sur votre site, Topshop et Urban Outfitters notamment. Par ailleurs, en 2011, vous êtes contactée par Talent Agency, une entreprise qui représente blogueurs et « influenceurs » auprès des annonceurs. N’est-ce pas compliqué lorsque l’on est blogueuse mode, que l’on donne des conseils vestimentaires à ses lecteurs, d’avoir de tels financements ?

Kenza : J’impose un deal aux annonceurs. Je leur dis : « je peux vous insérer sur mon blog, mais je ne peux pas me permettre de faire une série de clichés uniquement avec votre marque. » Je les mélange à mes propres vêtements. Je tiens à choisir ce que je porte et les pièces que je mets en avant. Il n’y a pas longtemps, j’ai collaboré avec une marque. L’attachée de presse m’appelle et me lance : « je vous ai préparé un paquet, je vous le fais livrer par coursier. » Je lui ai répondu que ce n’était pas possible de travailler comme cela, qu’elle ne connaissait pas mes goûts et qu’elle n’avait pas à m’imposer des vêtements. Je m’expose, je me dois de rester honnête vis-à-vis de mes lecteurs.

Selon vous, les marques s’associant à des réseaux sociaux ou des blogs, est-ce la communication des années 2010 ?

Kenza : Oui. Un bon blog a plus de pages vues et lues qu’un magazine. Beaucoup de marques ont plus intérêt à être présentes sur des blogs qu’au sein de magazines papier.

Vous avez créé votre propre société. « La revue de Kenza » est donc un vrai petit business !

Kenza : A l’origine, j’étais auto-entrepreneur pour pouvoir facturer. Il y a neuf mois, j’ai créé mon EURL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée) car j’ai dépassé le plafond autorisé par le statut d’auto-entrepreneur (32 600 euros annuels). J’ai mis deux ans environ à vivre complètement de mon blog. Aujourd’hui, j’en vis très correctement ! Je gagne en moyenne entre 800 et 4 000 euros par mois. Les aléas du freelance !

Comment définissez-vous votre métier ?

Kenza : Je suis blogueuse tout simplement. Au début, quand je me suis lancée, je n’assumais pas de dire blogueuse. Mais aujourd’hui, c’est dans l’air du temps !

A force de vous mettre en scène, savez-vous si vos lecteurs se sont attachés votre image ?

Kenza : J’en suis persuadée ! Au fur et à mesure que les lecteurs se fidélisent, certains s’intéressent à ce qui m’entoure. Au départ, je n’y faisais pas tellement attention. Du coup, j’avais tendance à parler de ma vie sentimentale, de mes amis, etc. Au bout d’un moment, la situation m’a effrayée car je me suis rendue compte que certains internautes étaient au courant de tout. Du coup, je fais très attention désormais. Je mets toujours en avant mon univers, mon personnage, mais avec beaucoup plus de pudeur.

Quelle est votre plus-value, outre la gratuité, par rapport aux magazines féminins ?

Kenza : C’est la simplicité, la proximité avec mes lecteurs. Je ne fais pas une taille 34, je ne suis pas un mannequin. Certains vont me trouver jolie, d’autres absolument pas. Je suis juste une fille lambda, qui vit à Paris et qui met en avant ses vêtements favoris.

Vous êtes dorénavant invitée à certains défilés et voyages de presse, au même titre que des journalistes mode. Les blogs s’inspirent-ils de la presse féminine, ou bien est-ce l’inverse ?

Kenza : Pour moi, la presse s’inspire des blogs, c’est une évidence. Les magazines féminins se veulent de plus en plus proches de leurs lecteurs. Avant, en lisant un magazine, j’avais l’impression que le but était de nous faire rêver, avec des vêtements à des prix inabordables. Aujourd’hui, certains journaux parient sur des produits et des sujets beaucoup plus terre-à-terre.

Au départ, lorsque vous avez créé votre blog, aviez-vous l’idée de « travailler par vous-même », la période de crise n’étant pas propice à trouver un emploi ?

Kenza : J’ai créé mon blog à 22 ans. A l’époque, je n’avais pas tellement conscience de ce qui se passait « dans la vraie vie ». Je vivais encore chez mes parents, j’étais protégée en quelque sorte. Je travaillais un peu à droite à gauche mais je ne me rendais pas compte de la dureté du marché de l’emploi. C’est justement cela qui explique que j’aie pu m’investir autant dans ce blog, parce que j’avais une certaine naïveté. Je faisais vraiment les choses par passion, pas par intérêt. Je voyais mon blog comme un passe-temps, un moyen d’échanger sur des sujets qui m’intéressent.

Quels conseils donnez-vous aux jeunes blogueuses qui vous contactent, en quête de réussite ?

Kenza : Quoi qu’il arrive, il faut poster des billets tous les jours pour fidéliser au maximum les lecteurs. Ensuite, pourquoi ne pas traduire le blog dès le départ en anglais ? Pour ma part, je viens tout juste de m’y mettre, mais je pense que c’est très important ! Quant aux photos, elles doivent être grandes. Une petite photo sur un blog n’intercepte pas l’œil. Se souvenir enfin que lorsqu’on lit un blog, on s’attache, malheureusement ou pas, aux visuels avant le texte. Le graphisme a donc son importance également.

Comment envisagez-vous l’avenir de votre blog ?

Kenza: A vrai dire, je ne sais pas trop ! Pourquoi pas la création de web series ou d’une web émission ? En tous les cas, je n’envisage pas de me transformer en magazine en ligne. Je pense que si « La revue de Kenza » marche aujourd’hui, c’est essentiellement  parce que ce blog est personnel. Je tiens vraiment à garder cette authenticité, cette proximité avec mon lectorat. Théoriquement, en ce moment, j’aurais besoin d’une assistante ou d’une stagiaire. Je ne me fais aider de personne, de peur que cela dénature mes billets !

En tous les cas, quoiqu’il arrive, je serai toujours chef de ma propre entreprise. Aujourd’hui, grâce à l’expérience du blog, je n’envisage plus de travailler pour quelqu’un, ce n’est pas possible !

0
    0
    Votre panier
    Votre panier est vide