Tabata Mey : « Il n’y a que la passion qui nous permette de tenir »

Tabata Mey

Rencontre avec une jeune entrepreneure de la gastronomie, Tabata Mey – que vous avez découverte sous le nom de Tabata Bonardi lors de son passage remarqué dans l’émission Top Chef. Accompagnée de son mari Ludovic, elle propose une cuisine à quatre mains inventive et délicate dans son restaurant Les Apothicaires à Lyon. La jeune femme nous parle aujourd’hui de passion, de créativité et de sa vie de business woman dans le monde ultra-concurrentiel de la restauration. 

Leur cuisine, ils la rêvent à la fois « réconfortante » et « dérangeante ». Des plats aux touches végétales subtiles qui distillent des saveurs venues d’ailleurs, tout en s’inscrivant dans un cadre et une rigueur propres aux établissements qu’ils ont fréquentés. Tabata et Ludovic se sont rencontrés au sein du restaurant Marguerite, lorsque Tabata est devenue en 2014 la première femme chef à tenir un établissement Paul Bocuse.

Tabata Mey  : Coup de foudre en cuisine

Mais la jeune brésilienne est lasse d’être mise en avant pour sa percée dans un monde encore masculin ou pour sa notoriété publique. Elle le martèle : les Apothicaires est le fruit de deux âmes sœurs tombées amoureuses en cuisine.  D’ailleurs, la chef estime qu’elle ne se serait jamais lancée seule, bien trop consciente des difficultés inhérentes à l’ouverture d’un restaurant. « Nous sommes comme connectés en Bluetooth. Nous utilisons les atouts de chacun : la grande créativité de Ludovic et ma technicité », explique-t-elle.

Mini Guide Leader

Une technicité que Tabata doit à ses années passées dans les cuisines des plus grands dont elle pioche les forces respectives. De Nicolas Le Bec, elle retient « l’exigence et la passion ». De son année passée chez Ledoyen, « la précision, qui fait toute la différence », et de Paul Bocuse, le « focus permanent sur les clients ». Désormais, la jeune maman – qui a relevé le défi de mener de front une grossesse et l’ouverture d’un restaurant – trace sa route et propose une cuisine inclassable, sans chichis, « simple mais pas simpliste ».

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Une envie de créer insatiable

C’est au terme d’un tour du monde culinaire que l’ouverture de leur propre restaurant s’est imposée. En un an, tous deux ont rempli trois carnets moleskine imprimés de souvenirs de saveurs, odeurs et couleurs qui parfument aujourd’hui leur cuisine.

Une créativité indispensable selon Tabata pour durer dans ce milieu ultra-concurrentiel. « Dans un monde globalisé, les clients se lassent très vite et il faut sans cesse se remettre en question », note-t-elle. Ainsi, le couple est en brainstorming permanent et change très régulièrement sa carte au gré de ses inspirations.

Mais cette inventivité ne saurait suffire. Comme le souligne Tabata, nombre de chefs talentueux se sont cassés les dents tant le métier de restaurateur requière aussi un sens de la gestion et du management. « Si l’un de ces points flanche, le projet ne peut pas perdurer », remarque-t-elle.

C’est pourquoi tous deux ont opté pour un établissement de 30 couverts afin de ne pas se lancer dans un projet démesuré. En tant que restaurateurs, dénicher un lieu répondant à leurs exigences était également essentiel. « Mais nous l’avons trouvé en 15 jours ! Il répondait à 80% de nos exigences alors on a foncé. Il faut savoir ce que l’on veut et prendre des risques », martèle la jeune femme.

L’architecture du lieu et la décoration sont ainsi des éléments centraux dans leur projet. Leur pièce maîtresse : une bibliothèque sur laquelle trônent des bocaux où fermentent légumes et pickles. S’ils ne se réclament pas restaurateurs green, il faut savoir qu’environ 80% de leurs ingrédients sont bios.

Sur le mur, de vieilles gravures de plantes médicinales font écho à leur nom d’artistes. Un lieu super cosy, à l’image de leur cuisine. « Cette chaleur était primordiale pour moi. Je me suis d’ailleurs rendue compte que je ne pouvais pas aimer les plats d’un chef que je n’apprécie pas. Cela m’est arrivé dans des restaurants que je trouvais trop prétentieux et sans âme », confie la chef.

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Un investissement à 300%

Pour Tabata Mey, la cuisine est avant tout une histoire de passion. Une passion qui permet de tenir le cap alors que le travail est harassant, et les défis multiples. Ouverts du lundi au vendredi, les complices enchaînent à tour de rôle des journées de 8H à 1H afin de pouvoir s’occuper de leur enfant qui est encore dans les premiers mois de sa vie. « On n’ouvre pas un restaurant pour s’enrichir », s’amuse Tabata.

La gestion du personnel est également un vrai challenge. D’après la chef, il est aujourd’hui difficile de trouver du personnel qualifié. Et puis, abreuvée d’émissions culinaires qui ne présentent que le côté glamour de la cuisine, « la jeune génération ne se rend pas toujours compte que pour arriver au sommet il faut donner son sang. J’ai connu l’époque où l’on frappait en cuisine. Souvent, je ne dormais que 2H par nuit. Un chef m’a même déjà enfermée en cuisine. Mais cela m’a forgée », confie-t-elle.

De plus, le niveau d’exigence des clients ne cesse de s’accroître. « Avec Instagram, tout le monde s’improvise critique gastronomique », regrette-t-elle.  Les équipes doivent donc fournir un maximum d’efforts pour donner le meilleur. « Quand on est chef, il faut en permanence serrer et lâcher », ajoute-t-elle. Malgré tout, force est de constater que le métier s’est adouci, et c’est aussi une bonne chose selon Tabata. La cuisine doit être un lieu de partage et d’échange entre passionnés. « Plus on travaille bien, plus on a de plaisir, et plus on a envie de travailler », résume-t-elle.

Pleinement engagés dans leur projet, Tabata et Ludovic fourmillent d’idées pour le futur. Mais pour l’heure, ils se consacrent pleinement à leurs « deux bébés » qui ne sont pas encore prêts à ce qu’on leur lâche la main.

Les Apothicaires, 23 rue de Sèze, 69006 Lyon. 04 26 02 25 09. Du lundi au vendredi, service le midi et le soir.

© Nicolas Villion

@Paojdo

 

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