Stéphanie Gicquel : « L’aventure, c’est simplement sortir de sa zone de confort »

Stéphanie Gicquel

En 2014, Stéphanie Gicquel et son mari Jérémie traversaient l’Antarctique à skis. 2045km en 74 jours par -50°C. Une prouesse physique et mentale dont elle nous livre aujourd’hui les précieux enseignements, arguant qu’il est possible de vivre l’aventure… même au coin de sa rue !

« Persévérante, curieuse, émerveillée », c’est ainsi que se décrit Stéphanie Gicquel, 34 ans. Diplômée d’HEC, avocate durant 7 ans, la jeune femme a toujours été animée par un besoin insatiable de découverte. Enfant, elle grandit dans une famille modeste dans la banlieue de Toulouse. « Je rêvais d’aventures, mais au sens du changement. Pour moi, l’aventure, c’est avant tout sortir de sa zone de confort. Je pense que même en faisant des expéditions polaires, on peut s’endormir », affirme-t-elle.

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Son premier défi a donc été d’intégrer une école de commerce. Une manière de s’ouvrir au monde, mais pas uniquement d’un point de vue business. L’étudiante désirait aussi rencontrer des personnes issues de milieux très différents. « Cela m’a donné les clefs pour partir de rien et créer dans n’importe quel milieu. Je me vois évoluer dans des domaines très différents, car le maître mot de mon école est avant d’apprendre à oser », explique l’aventurière.

Un projet « complètement fou » mais « obsessionnel »

C’est en 2006 que Stéphanie Gicquel commence ses premières expéditions polaires. D’abord au Pôle Nord, durant deux semaines, où elle parcourt une centaine de kilomètres en courant. Car la jeune femme est une grande passionnée d’ultratrail. Course, musculation, étirements, entraînements dans des entrepôts frigorifiques, tractage de roues sur la plage… L’aventurière se prépare minutieusement. Elle utilise aussi la micro-nutrition, et veille à ses apports en oligo-éléments comme le zinc ou le sélénium.

Ses expéditions sont avant tout de vrais défis sportifs. Dans ces étendues blanches, elle sent son attrait pour l’isolement. « Je ne pense pas rechercher l’extrême pour l’extrême. Lorsque je cours loin du monde, j’ai avant tout la sensation de faire corps avec la nature, je vis un état de plénitude. », explique-t-elle. Pour autant, la sportive repousse toujours plus les limites. C’est en 2010 que germe son projet de traverser l’Antarctique. Un continent à part, extrêmement isolé, et qui n’appartient à personne. « Ce projet était complètement fou, mais il était obsessionnel.

Je sentais que je n’avais pas le choix », se souvient-elle. Son objectif ? Traverser 2045km en 74 jours sur des skis, mais sans être tractée par une voile. Stéphanie Gicquel tient à progresser lentement, à environ 3km par heure. Une mission presque impossible dans un univers particulièrement hostile, où aucune espèce n’est parvenue à s’adapter. Le parcours est jonché de crevasses et de vagues de glace.

Explorateur et entrepreneur, de nombreuses similitudes

Par bien des aspects, la préparation d’une expédition ressemble aux tumultes de la vie d’un entrepreneur : des moments de solitude, la recherche de financements, la difficulté à convaincre, la création d’une équipe…

Il lui faudra en tout 4 ans pour mettre au point son projet, avec notamment la recherche de sponsors qui est laborieuse. « Nous sommes peu médiatisés par rapport à des événements comme le Vendée Globe. C’est aussi encore plus difficile de convaincre quand on est une femme. Concrètement, j’ai par exemple un sponsor qui s’est désisté juste avant mon départ car il avait tout simplement peur que je décède durant l’expédition », se remémore-t-elle. Deux mois avant le départ, elle ne réunit pas encore la somme nécessaire. « On ressent parfois un vertige avec l’impression que la sortie du tunnel s’éloigne, mais l’on n’a pas d’autre choix que de continuer », explique l’exploratrice. De plus, son temps est compté, car elle rentre souvent à 2H du matin pour mener aussi de front sa carrière d’avocate.

« Partir avec un être aimé risque de vous faire perdre votre sang froid »

C’est dans ces moments qu’elle peut compter sur le soutien de son mari, Jérémie Gicquel. Passionné tout comme elle par les sports d’endurance, il est de toutes les expéditions. « Si nous n’avions pas partagé cela, nous aurions été tout le temps séparés. Comme pour un projet entrepreneurial, c’est aussi un partenaire avec qui je suis très complémentaire », argue la jeune femme. Cette dernière concède cependant que le risque de partir avec une personne que l’on aime en expédition, est de perdre son sang froid en cas d’accident. Malgré les difficultés, tous deux finissent par réunir un budget de 250 000€ avec l’aide de 50 sponsors mais aussi un emprunt bancaire. Une somme très modeste en comparaison des budgets à plusieurs millions d’autres expéditions polaires.

« En fin d’expédition, c’était devenu de la survie »

Débute alors leur projet fou. Leur objectif est avant tout sportif, mais Jérémie se charge aussi de rapporter des images du continent, dont les terres intérieures sont peu connues du grand public. Avec leur expédition, le couple collecte également des fonds pour l’Association Petit Prince, qui permet de réaliser les rêves d’enfants malades. Tous deux avancent coûte que coûte. Leur budget ne leur permet de s’offrir qu’un seul rapatriement en cas de blessure ou d’accident. Tout forfait entraîne inévitablement la fin de l’aventure pour eux deux.

Ils doivent aussi boucler leur parcours avant que la dernière équipe de scientifiques quitte le continent. Les pauses se raccourcissent, la tente se déchire et menace de lâcher, des gelures de stade 1 apparaissent et Stéphanie souffre pendant plus d’un mois d’une rage de dents. Mais le plus difficile est certainement le manque de nourriture. « Je suis un petit gabarit, mais à la fin je ne pesais plus que 39kg. C’était devenu de la survie. Si l’expédition avait duré une semaine de plus, on aurait pu aller trop loin. D’ailleurs, je sais aujourd’hui qu’en expédition, on peut dépasser les limites car l’on n’est plus lucide », estime-t-elle. Au final, le couple atteint son objectif dans les temps.

« La seule limite à nos objectifs est celle que nous leur donnons »

Toujours en quête de nouveaux challenges, Stéphanie Gicquel parcourra bientôt 300 km en courant à travers un GR, et ce, en 5 jours. « Pour le moment, je n’ai pas envie de partir tout de suite pour une expédition dont je pourrais potentiellement ne pas revenir », confie-t-elle. Elle aimerait connaître d’autres milieux que les zones polaires, et courir à travers un grand pays, comme les Etats-Unis ou l’Australie. Elle donne aussi des conférences sur le dépassement de soi, le passage de l’idée à l’action, ou encore l’Antarctique, dans des entreprises, écoles etc…

Il n’est pas non plus impossible qu’elle retravaille en entreprise, par exemple dans le marketing ou la finance, toujours avide de découvrir de nouveaux univers. « Je pense aussi que fonder une famille constituerait une belle aventure », affirme-t-elle. Peu importe le milieu, l’endroit, « on trouve d’abord le bonheur en soi ». Et d’ajouter : « la seule limite à nos objectifs est celle que nous leur donnons. Le reste n’est qu’une excuse ».

>Découvrez le site de leur expédition

@Paojdo

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