Marie Schneegans réinvente la pause dej’ avec Never Eat Alone

Never Eat Alone
Avec l'application Never Eat Alone, Marie Schneegans, 23 ans, sème du bonheur en entreprise en permettant aux salariés de grands groupes de faire connaissance autour d'un déjeuner. Un concept aussi simple que révolutionnaire qui a déjà séduit la moitié du CAC 40. Interview.

Quels services proposez-vous avec Never Eat Alone ?

Marie Schneegans : C’est une application mobile qui permet, quand on travaille dans une grande entreprise, de se connecter avec des collègues qu’on ne connaît pas forcément. Il suffit de renseigner son profil, avec ses centres d’intérêt et ses compétences, en précisant par exemple qu’on aime le jazz, la méditation et qu’on maîtrise Photoshop. Un algorithme fait alors remonter les profils avec lesquels on partage des points communs. L’idée, ensuite, c’est de bloquer une date parmi trois créneaux pour se retrouver autour d’un déjeuner. Nous proposons également l'”instant lunch”, qui consiste à organiser ou rejoindre le jour même des déjeuners à plusieurs autour d’une thématique. Never Eat Alone

L’application est née d’une mauvaise expérience en stage…

Marie Schneegans : En effet, j’étais en stage dans une grande banque en Suisse, UBS, et je souffrais d’être toujours avec les mêmes personnes. J’avais envie de faire des rencontres hors de mon département, au marketing ou à la finance de marché par exemple, mais il n’existait pas de moyens autres pour le faire alors j’ai commencé à toquer aux portes. Grâce à ça, j’ai pu booster mes projets en interne, me faire de nouveaux amis, augmenter mon réseau, et surtout, j’étais beaucoup plus heureuse d’aller au travail !

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N’était-ce pas intimidant de faire ainsi le tour des bureaux ?

Marie Schneegans : Pour moi qui adore rencontrer de nouvelles personnes, la démarche était assez naturelle. Mais un certain nombre de mes collègues, plus timides que moi, m’ont posé cette question. C’est là que j’ai eu l’idée de lancer une application qui soit un “ice breaker”. Etant encore étudiante, ce n’était pas évident de la concrétiser immédiatement. J’ai donc participé à un hackathon à Berlin, où j’ai pu créer un prototype. J’ai gagné ce concours, ce qui m’a valu de rejoindre un incubateur à San Francisco.

Quel rapport entreteniez-vous avec l’entrepreneuriat à l’époque ?

Marie Schneegans : L’entrepreneuriat me parlait, mais je manquais de modèles entre guillemets. Je me suis lancée parce que j’ai constaté un besoin. J’avais conscience de l’impact positif que ce projet pourrait avoir. Et mon intuition me disait d’y aller. On n’a qu’une vie, il faut faire quelque chose qu’on aime ! Je sentais que je m’épanouirais en connectant les gens et en les rendant plus heureux. J’en ai parlé à Paul Dupuy, un Français installé à New York qui a toujours travaillé dans les start-up et dont j’avais fait la connaissance quelques années plus tôt par des amis communs. Nous avons décidé de nous associer.

Que vous a apporté l’étape à San Francisco ?

Marie Schneegans : Pendant six mois, j’ai vécu dans une maison, la StartupHouse, avec d’autres entrepreneurs qui créaient leur projet. On était ensemble du matin au soir, dans un environnement où tout le monde s’entraide, ce qui favorise le passage à la vitesse supérieure. Nous avons commencé à développer l’application là-bas et, quand je suis rentrée à Paris pour passer mes examens, j’ai rencontré Myra Braganti, qui a travaillé pendant quinze ans dans les ressources humaines. Elle m’a dit : “Marie, il faut absolument que tu ailles à la Défense pour présenter ton projet aux services RH des grands groupes.” Je ne savais pas trop comment m’y prendre, mais elle m’a accompagnée et, rapidement, nous avons convaincu nos premiers clients, Vinci et Engie.

Un an et demi après votre lancement, où en êtes-vous de votre développement ?

Marie Schneegans : Nous sommes désormais 16 dans l’équipe et nous avons signé avec 50 grands groupes, qui payent entre 1 000 et 10 000 euros par mois pour le service, en fonction du nombre de collaborateurs. Nous comptons parmi nos clients Christian Dior, Roche, BNP Paribas, Danone ou la Société Générale… En moyenne, entre 40 et 80 % des salariés se servent de l’application. Le taux d’adhésion dépend de comment on communique en interne. Nous travaillons donc main dans la main avec la communication, les ressources humaines et nous nous appuyons sur des ambassadeurs au sein de chaque département.

Parallèlement, nous avons élargi notre clientèle aux hôpitaux, en commençant par la Suisse, et aux universités comme le MIT ou encore Paris Sciences et Lettres, qui regroupe 28 établissements dont l’ENS, Dauphine, les Arts Déco… Tout confondu, cela représente des dizaines de milliers d’utilisateurs.

Comment expliquez-vous ce succès ?

Marie Schneegans : Alors qu’ils ont envie de faire des rencontres, de partager des moments physiques, les gens se heurtent aux silos dans les grandes entreprises. Nous avons réalisé une étude qui montre que 80 % des déjeuners Never Eat Alone se font entre personnes de différents départements. L’application permet donc de se créer un réseau en interne, de booster le partage de connaissances et les projets en mettant en contact les salariés autrement que par mail.

Nous avons par ailleurs remarqué que l’application facilite l’onboarding des nouveaux arrivants : nous organisons des challenges pour les nouvelles recrues, qui ont trois mois pour déjeuner avec une personne de chaque département. Il est difficile de chiffrer l’impact, sur la productivité notamment, car chaque rencontre est unique. Toutefois, nous restons très proches des utilisateurs pour améliorer sans cesse le service. L’année dernière, nous avons programmé plus de 500 sessions en entreprise pour recueillir leur feedback.

Fin 2016, vous avez levé 1,3 million d’euros auprès d’Elior, spécialiste de la restauration collective, qui est rentré au capital de Never Eat Alone. Que va changer cette association ? Et quels sont vos projets pour 2017 ?

Marie Schneegans : Pour nous, il était important d’être bien entourés. Le groupe Elior est aussi présent à l’international, ce qui va nous permettre d’accélérer notre déploiement hors de France – l’autre objectif de 2017 avec la diversification de notre clientèle. Nous visons toute l’Europe et les Etats-Unis et commençons à nous intéresser à la Chine et au Japon, d’où nous proviennent des demandes. Tous les pays n’accordent pas la même place au déjeuner, nous allons donc décliner le concept autour de rendez-vous différents selon les cultures : nous avons remarqué par exemple que l’after work marche bien au Royaume-Uni tandis qu’aux Etats-Unis on préfère le “coffee break”.

Vous-même, en tant que créatrice d’entreprise, semblez chercher à injecter du bonheur au travail…

Marie Schneegans : Tout à fait. Nous sommes installés dans une maison et sommes comme une famille. Bien sûr, nous déjeunons ensemble, mais nous partageons beaucoup d’autres moments : un cours de yoga la semaine dernière par exemple. Pour moi, il est primordial que chacune des personnes de l’équipe se sente bien au travail et soit heureuse de s’y rendre.

Vous vivez sur votre lieu de travail, dans le même bâtiment. N’est-ce pas difficile de déconnecter ?

Marie Schneegans : L’équilibre, je le trouve parce que je fais ce que j’aime. Je suis passionnée par ce que j’accomplis au quotidien, donc même le week-end, j’ai envie de travailler alors que rien ne m’y force. J’ai beaucoup grandi grâce à cette expérience, et je continue à grandir tous les jours, dans ma manière d’être avec l’équipe et les clients notamment. J’ai la chance d’avoir des mentors en externe – comme Clara Gaymard de la fondation Raise – qui m’aident à progresser, à prendre du recul, à analyser les situations, à savoir comment dépasser les blocages. C’est vraiment du partage.

 

@manondampierre

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