Avec Voxe, Léonore de Roquefeuil redonne de la voix aux jeunes

C’est la génération qui vote le moins et pourtant, c’est celle dont le potentiel d’engagement est le plus fort. A l’heure du Grand Débat National et des Européennes, Léonore de Roquefeuil, dirigeante de Voxe, entend bien réconcilier les jeunes avec la politique. Elle nous explique comment.

Avec Voxe, vous souhaitez réconcilier les jeunes avec la politique à travers des chatbots. Comment cela fonctionne ?

Léonore de Roquefeuil : Notre souhait est de donner plus de pouvoir à notre génération. Pour cela, il est important de mieux comprendre l’actualité du débat public et d’identifier les différentes façons de s’y intégrer, d’y jouer un rôle. Le levier de la conversation permet de dédramatiser et de faciliter le passage à l’action. Il y a 2 ans, nous avons donc mis au point un chatbot conversationnel qui a déjà été utilisé par 100 000 jeunes. Suite à leur discussion avec le chatbot, nous proposons aux utilisateurs des leviers d’action concrets, comme signer une pétition, s’engager dans une association ou participer à une manifestation.

Quelles sont les thématiques qui ressortent le plus ?

Léonore de Roquefeuil : Actuellement , les sujets les plus populaires auprès de notre audience tournent autour de l’égalité homme-femme, de l’environnement, et étrangement de la politique européenne (Brexit et coopération franco-allemande). De manière générale, nous leur proposons beaucoup de contenus sur des sujets clivants comme le glyphosate, l’utilisation des impôts ou encore le référendum d’initiative citoyenne.

Sur quelle technologie se fonde ce chatbot, et comment vous assurez-vous de son objectivité ?

Léonore de Roquefeuil : Il ne se base pas sur l’intelligence artificielle mais conversationnelle. Nous entrons les contenus en interne et avons déployé une méthode pour assurer leur objectivité. L’idée est vraiment de restituer l’état d’un débat en exposant toutes les opinions, et c’est ensuite à la personne de se forger son avis. Cette objectivité passe aussi par le fait qu’aucun membre de l’équipe ne peut avoir été encarté dans un parti par le passé.

 A l’origine, vous aviez créé la Voxe Academy, une sorte de boite à outils pour permettre aux jeunes de s’engager pendant la Présidentielle. Où en est ce projet ?

Léonore de Roquefeuil : Nous nous sommes déplacés en bus dans 57 villes de France avec pour objectif de lancer des débats, un peu comme des cafés politiques. L’idée était de remplacer les cours d’éducation civique qui sont souvent très ennuyeux. Les jeunes représentent la génération qui vote le moins, et s’engage le moins dans les partis ou syndicats. Pourtant, c’est une génération bourrée d’énergie. Nous avons donc mis au point des outils que nous transmettons ensuite aux professeurs ou animateurs sociaux afin qu’ils les mettent en place par la suite. L’idée est de dédramatiser les sujets. Depuis 2017, nous n’avons pas stoppé l’academy, mais nous ne faisons plus que des événements ponctuels.

Qu’est-ce que la technologie peut apporter à la démocratie ?

Léonore de Roquefeuil : Depuis 10 ans, le secteur de la Civic Tech se développe en France. Le numérique permet de toucher massivement les gens, on peut écrire à n’importe qui dans le monde. Et pourtant, jusqu’à présent, la technologie ne nous servait pas à mieux faire entendre notre voix. Aujourd’hui, on voit émerger de plus en plus de plateformes pour nous permettre de prendre des décisions ensemble de façon transparente et collective. Certaines de ces plateformes sont vendues à des collectivités ou administrations centrales qui ont besoin de consulter les gens comme Open Source Politics ou Cap Collectif. D’autres plateformes vont permettre de se connecter directement à un élu, pour déclarer par exemple un sinistre sur une route en temps réel à l’image de FixMyStreet.

Depuis votre poste d’observation, quel est le sentiment que la jeunesse dégage face au Grand Débat ?

Léonore de Roquefeuil : Au sein de notre audience, la majorité des jeunes ne sont pas sûrs de participer. Il est intéressant de souligner que pendant notre tour de France durant la Présidentielle, la proposition qui avait été le plus votée était la reconnaissance du vote blanc. Ensuite, les jeunes sont plutôt en faveur du référendum d’initiative citoyenne, et sur l’environnement, ils estiment que l’Etat n’en fait pas assez. La particularité de notre audience est qu’elle souhaite s’engager. 20% de nos utilisateurs sont actifs : ils signent des pétitions, sont membres d’associations… De façon générale, les jeunes Français sont plus engagés que dans d’autres pays.

Campagne voxe 2015

Puisque les médias traditionnels ne les attirent pas, par quels leviers arrive-t-on à les toucher ? Est-ce vrai que les jeunes ont déserté Facebook ?

Léonore de Roquefeuil : Il est vrai que la théorie du complot est très présente chez de nombreux jeunes et qu’il existe une vraie défiance envers les médias traditionnels. Il est vrai aussi qu’ils ne sont plus trop sur Facebook mais en revanche ils l’utilisent encore pour les événements, ainsi que Messenger. De notre côté, nous sommes pas mal sur Instagram qui nous permet d’expliquer des sujets complexes à travers des supports animés. Cela nous offre aussi la possibilité de consulter facilement notre audience. Et puis nous avons toute une communauté d’ambassadeurs qui nous aident à organiser des débats. En ce moment, ils sont environ 200.

Voxe a aussi pour ambition de lutter contre l’infobésité ?

Léonore de Roquefeuil : Oui, nous n’envoyons pas plus de cinq news par semaine. Les jeunes apprécient que nous fassions un travail de curation.

Voxe, c’est à la fois une association et une SAS. Comment faites-vous cohabiter ces deux structures ?

Léonore de Roquefeuil : A la base, Voxe était une association lancée par une bande de copains qui a créé un comparateur de programmes électoraux en 2012, depuis utilisé par 4,7 millions d’utilisateurs dans le monde car il était en open source. Depuis 2014, nous avons monté une SAS qui évolue dans l’entrepreneuriat social car notre premier objectif est l’engagement des jeunes générations.

C’est à ce moment là que j’ai pris les rênes de la structure. L’association demeure essentielle pour nous et vit à travers notre communauté d’ambassadeurs qui sont consultés régulièrement dans nos prises de décision. Cette communauté est en quelque sorte un garde fous. De l’autre côté, la SAS travaille avec des ministères, agences publiques ou collectivités territoriales afin de transmettre son savoir-faire en termes de sensibilisation et mobilisation des jeunes. Si par exemple un ministère a besoin de consulter les jeunes sur un sujet, nous allons pouvoir mobiliser notre audience.

De votre côté, avez-vous pensé à vous engager en politique car vous devez être sollicitée ?

Léonore de Roquefeuil : Non, mon engagement c’est que chacun puisse écouter, s’exprimer et se faire entendre. Je milite pour une démocratie plus sereine, apaisée et inclusive.

Vos prochains grands défis ?

Léonore de Roquefeuil : Parvenir à engager les jeunes dans le Grand Débat national et surtout essayer de peser sur le Gouvernement pour que le Grand Débat soit sincère, authentique et utile.  Et bien sûr il y a les élections européennes qui sont désertées par notre génération. Nous nous sommes fixés l’objectif de faire voter 50 000 jeunes. Et puis nous sortons un podcast pour montrer que des jeunes s’engagent partout, dans des associations, des mairies, des administrations, en lançant des pétitions… Les jeunes peuvent vraiment peser sur le débat public !

m.me/joinvoxe

@Paojdo

(c)Thierry Rajic

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