Anne Boussarie (VP Getty Images) : « Nous pouvons devenir ce que nous voyons »

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Vice-Présidente France, Allemagne et Scandinavie du géant Getty Images, Anne Boussarie nous livre sa vision du management, de la place des femmes dans le monde du travail mais aussi de leur représentation dans les médias visuels. Une bataille qu’elle mène de front depuis plusieurs années afin de coller au plus près aux évolutions de la société.

Comment en êtes-vous arrivée à travailler dans l’industrie de la photo : était-ce par goût ou au gré des rencontres ?

Anne Boussarie : Un peu des deux. Dans ma famille, on a toujours fait des photos, mais ce sont aussi les rencontres qui m’ont amenée à travailler pour Getty Images. La photo est un média fabuleux qui raconte notre histoire sociale. C’est le langage le plus parlé au monde !

Vous êtes Vice-Présidente de Getty Images France, Allemagne et Scandinavie. Un poste à fortes responsabilités. Votre ascension a t-elle été un long fleuve tranquille ?

Anne Boussarie : Chez Getty, la représentation féminine a toujours été importante. Notre CEO monde est une femme. Comme toutes les femmes ayant un poste à responsabilités, j’ai ma petite histoire à raconter, j’ai subi des remarques incongrues. J’ai avancé à force de travail et de constance. Toutefois, le rapport homme femme a évolué en entreprise, c’est devenu un vrai sujet de société. Le monde du travail a été créé par et pour les hommes, et ces derniers doivent intégrer de nouveaux codes.

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Selon moi, il y a beaucoup de choses à faire en dehors des quotas. Par exemple, je pense qu’il est important de leur fournir les outils pour sourcer différemment les talents dans les entreprises. Les femmes ne se mettent pas toujours en avant, et pourtant, certains profils plus « discrets » peuvent être parfaitement adaptés à un poste. Je crois sincèrement que nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres.

Vous qui travaillez avec la Scandinavie, avez-vous l’impression que les sujets de parité sont vraiment dépassés dans ces pays ?

Anne Boussarie : En Scandinavie, ce n’est effectivement même plus une question, c’est devenu un non sujet. On n’en parle plus car il n’y a plus de raisons d’en parler !

Pensez-vous que les femmes managent vraiment différemment des hommes ?

Anne Boussarie : Je ne sais pas si c’est dû à ma personnalité, mon parcours ou au fait que je sois une femme, mais pour ma part, je manage différemment. Je suis dans le management participatif, j’aime écouter les gens et suis convaincue que c’est en faisant en sorte que chacun s’intègre dans le groupe que l’on réussit. D’ailleurs, la récente victoire des Bleus nous en a apporté une belle preuve ! J’observe mes collègues et je pense que chacun a quelque chose à apporter. Les gens ne travaillent pas pour moi mais avec moi. Mais tout cela est aussi lié à l’évolution du management.

Getty Images est une entreprise américaine fondée en 1995. Cela a forcément teinté vos pratiques ?

Anne Boussarie : Effectivement, nous ne sommes pas dans un management top down. Il est indispensable de féliciter au quotidien les gens, et de ne pas attendre un moment exceptionnel. On parle aussi de points à améliorer et pas de fautes. Aux Etats-Unis, l’échec n’est pas perçu de façon négative. C’est ce qui fait que nous lançons rapidement des projets, puis les faisons évoluer avec les clients.

Depuis quelques années, Getty désire faire évoluer la représentation des femmes à travers sa banque d’images. Pourquoi est-ce si important ?

Anne Boussarie : Nous partons de l’idée que nous pouvons devenir ce que nous voyons. Nous voulons sortir les femmes des stéréotypes dans lesquels on les a cantonnées, et leur permettre de se projeter dans d’autres métiers. Nous voulons proposer des photos et vidéos qui soient le reflet de notre société. Pour cela, nous travaillons en amont avec la data. Chaque année, nous avons 1 milliard de recherches et 400 millions d’images téléchargées.

Nos anthropologues analysent ces données et font émerger des tendances. La thématique des femmes dans le business est en pleine explosion. Par exemple, « femme manager » a connu une augmentation de +129%, tout comme les mots clefs « femme sénior active » ou « femme et technologie ». Nous transmettons ces rapports de tendances à nos 240 000 photographes mais aussi nos clients.

Vous avez également lancé des collections spéciales ?

Anne Boussarie : Oui, nous avons par exemple lancé il y a 4 ans une collection spéciale avec la fondation Lean In de Sheryl Sandberg et qui fonctionne maintenant dans tous les pays. Nous avons aussi conclu un partenariat avec Jaguar et Land Rover afin de représenter les femmes dans des métiers liés aux technologies ou encore aux mathématiques. Nous avons par ailleurs évolué avec la loi Photoshop, et nos photographes ont donc l’obligation contractuelle de nous fournir des photos non retouchées.

Et quelle est la tendance forte de cette année ?

Anne Boussarie : Après avoir œuvré au changement de la représentation de la femme, se pose la question de celle de l’homme. Ce dernier est aujourd’hui plus vulnérable et complexe, et son image se détache de celle de l’homme fort, grand et musclé. Il est donc essentiel de le représenter dans toute sa diversité. Pour preuve, nous avons enregistré une hausse de 60% des requêtes pour « père seul » et de 53% pour « papas gays ».

Est-ce que vous essayez aussi d’équilibrer le nombre de photographes femmes et hommes avec qui vous travaillez ?

Anne Boussarie : Ce n’est pas notre axe principal. Nous essayons surtout d’avoir de la diversité en recrutant par exemple des photographes africains ou du Moyen-Orient, qui vont nous livrer un regard différent sur la société.  Les recherches comportant « diversité et inclusion » ont bondi de 917% tout comme celles sur la « diversité culturelle » (+252%) ou la « famille multi ethnique » (+385%).

Enfin, petite question sur les réseaux sociaux : quel a été l’impact de Pinterest et Instagram sur Getty Images ?

Anne Boussarie : Cela a été une belle opportunité à tous les niveaux. C’est une richesse, une inspiration. Les réseaux sociaux permettent de capter une représentation de la société à un moment donné.  Les jeunes générations ont un rapport différent aux marques et recherchent avant tout l’authenticité dans les photos. Nous faisons donc évoluer nos clichés vers davantage de naturel et de spontanéité. Cela nous permet enfin de dénicher de nouveaux talents car avec les appareils numériques, tout le monde peut faire de la photo désormais. Nous restons donc très attentifs et ouverts à ces mutations.

@Paojdo

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