Nos questions à Viviane de Beaufort

Viviane de Beaufort

Viviane de Beaufort est professeure à l’ESSEC. Elle dirige le programme « Entreprendre au Féminin », à destination des femmes ayant déjà un parcours professionnel et souhaitant acquérir les bases essentielles de l’entrepreneuriat. Membre de nombreux think tanks, elle est l’auteure de publications sur les questions de gouvernance, de genre, et est engagée pour la promotion de la mixité.

En France, environ 30% seulement des entreprises sont créées par des femmes. Comment l’expliquez-vous ?

Viviane de Beaufort : D’après des études réalisées au cours des dernières années, le désir d’entreprendre est quasiment équivalent entre les hommes et les femmes. Seulement, un certain nombre de femmes ne dépassent pas le cap du projet. Dans le cadre de mon programme « Entreprendre au Féminin », j’ai remarqué que beaucoup de femmes, même parmi celles qui ont réussi, ont intériorisé des freins relevant notamment de problématiques de confiance en elles. C’est ce que l’on appelle en ressources humaines « le complexe de l’imposteur » : elles doutent en permanence de leurs capacités. Du coup, elles n’osent pas ! C’est une sorte d’autocensure. Elles ne se donnent pas les moyens de leurs ambitions.

Un second élément me gêne plus encore. Parmi ces 30% d’entreprises créées par des femmes, beaucoup sont des TPE. La plupart du temps, il s’agit même de sociétés au sein desquelles elles sont leur unique employeur. Elles ne créent pas d’emplois. Il y a donc un problème au niveau du développement de l’entreprise.

Les obstacles à la création d’entreprise sont-ils donc plus importants pour les femmes ?

Viviane de Beaufort : Je relève des facteurs externes liés à la culture de notre pays et, plus globalement, de toutes les nations latines. En France, l’activité d’entrepreneur est perçue dans l’inconscient collectif comme étant masculine. Ainsi, le système (les clients, les investisseurs, les banquiers) aurait intériorisé une tendance à accueillir de manière moins favorable un projet porté par une femme. Cela conduit les femmes à devoir faire deux fois plus d’efforts pour prouver leur capacité à entreprendre. D’autre part, la création d’entreprise demande un investissement en temps et en énergie très conséquent. Or, arrive un âge où les femmes sont généralement bloquées objectivement car elles doivent jongler avec des activités paraprofessionnelles. C’est ce que j’appelle « les multiples temps de vie ». D’où l’intérêt de toute la réflexion actuelle menée sur la parentalité, les aides pour les gardes d’enfants, etc.

La nouvelle génération est-elle moins en proie à tous ces démons ?

Viviane de Beaufort : Je pense que les femmes de ma génération, la génération X, ont intériorisé l’idée qu’on ne leur faisait pas confiance car on attendait d’elles qu’elles soient en charge de la famille.

La génération Y pourrait bien changer la donne ! Je m’occupe de quatre jeunes femmes au sein de mon programme « Entreprendre au Féminin » et je perçois qu’elles fonctionnent de manière très différente. Elles prennent plus de risques, elles voient grand. Au lieu de rester seules, elles s’installent dans des incubateurs afin de pouvoir partager. Elles cherchent des mentors (hommes ou femmes) plus âgés qui ont créé des entreprises. Par rapport aux femmes de la génération antérieure, elles décident plus rapidement de se dire « tant pis, je prends le risque, j’ai le souci de mon autonomie. »

 

Claire Bauchart

 

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