Chief Happiness Officer : nouveaux stratèges ?

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L’intitulé de leur fonction peut faire sourire. Les “Chief Happiness Officer” ou “ambassadeurs du bonheur” fleurissent dans bon nombre de start-ups mais aussi d’entreprises traditionnelles. Leur mission : assurer le bien-être des salariés ! Une réponse aux phénomènes de bore et burn out, au manque d’investissement de bon nombre d’employés ? Décryptage.

“Je déteste la terminologie de capital humain, laquelle renvoie au fait d’être exploité. Je considère avoir été développeur de patrimoine humain”. Laurence Vanhée n’a en effet pas été une DRH comme les autres. Fin 2009, elle décide de troquer son titre de directrice des ressources humaines pour celui, plus vendeur, de chief happiness officer. “Il m’a fallu six mois avant que ma hiérarchie accepte que je l’inscrive sur mes cartes de visites.” Un délai long dans le monde agile des start-ups où se développent depuis quelques années ces “ambassadeurs du bonheur”, mais relativement court dans l’univers de Laurence Vanhée : à l’époque, elle travaille au sein de la sécurité sociale belge.

La Silicon Valley, mère du bonheur au travail

“Début 2010, nous n’étions que cinq dans le monde à pouvoir se targuer d’être chief happiness officer,” se souvient-elle. Des précurseurs localisés essentiellement Outre-Atlantique, plus particulièrement dans la Silicon Valley, berceau des “CHO”. Depuis le milieu des années 2000, l’ingénieur Chade-Meng Tan chez Google arbore le titre officiel de “Jolly Good Fellow”. Ses missions: “enrichir les esprits, ouvrir les coeurs.”

Mini Guide Leader

Un brin de spiritualité inspiré des préceptes de Matthieu Ricard et qui s’est depuis répandu sur la Côte-Ouest américaine:Jenn Linn chez Zappos, filiale d’Amazon spécialiste de la vente de chaussures. Son PDG a même publié en 2010 “Delivering Happiness”, bestseller de l’année selon le New York Times. Une tendance qui, outre de traverser les océans, se mue peu à peu en vraie nouveauté managériale.

Chief Happiness Officer : quelles fonctions ?

Entrée il y a une dizaine d’années chez AlloResto, spécialiste français de la commande en ligne et livraison de repas, Nathalie Forestier en est depuis Janvier 2015 la Chief Happiness Officer. Ses missions? “Faire en sorte que les salariés arrivent le matin avec le sourire.” La formule peut paraître désuète, les répercussions n’en sont pas moins réelles. “Une fois par mois, des équipes de salariés organisent un événement pour leurs collègues”, explique-t-elle. “Nous accordons également énormément d’importance aux feedbacks. Tous les trimestres, nos collaborateurs notent leurs managers.”

Une manière de rectifier en cours de route des éventuels malaises et incompréhensions. Pour Nathalie Forestier, sa fonction reflète la mise en place d’un nouveau paradigme managérial: “le terme de bonheur peut paraître fort et en décalage avec le monde du travail, il permet néanmoins d’améliorer les conditions de travail.” Un concept porteur: l’entreprise  a fait son entrée au sein du palmarès des entreprises françaises où il fait bon vivre, établi par le Figaro et l’institut “Great Places to work”,  aux côtés notamment de Blablacar, LeBonCoin ou encore Sarenza.

Vers un nouveau type de management ?

A croire que le bonheur, désormais objet d’un palmarès, ferait presque partie des actifs immatériels d’une société. Un postulat qui ne fait aucun doute pour Laurence Vanhée qui a même décidé d’en faire un business. “J’ai quitté la sécurité sociale belge il y a deux ans et demi afin de créer ma propre structure, HappyFormance.”Un cabinet proposant entre autres des conférences sur le bonheur au travail, des méthodes d’accompagnement de dirigeants, de DRH. “Nous pensons le bien-être en milieu professionnel comme un levier de mutation, de performance durable,” argumente Laurence Vanhée.

Un changement vecteur de meilleures pratiques et stratégies assure-t-elle, au sein de structures qui, depuis quelques années, se retrouvent à devoir gérer des talents en burn out ou bore out. “Pendant des années, l’optimisation des ressources au sein des organisations ont été poussées beaucoup trop loin. Les structures ont été déshumanisées.” Parallèlement, les études montrent les liens entre bien-être au travail et efficacité des employés: ainsi, selon une étude Ipsos réalisée pour Dropbox entre novembre et décembre 2015, les employés français travaillant à des horaires non flexibles et sans outils collaboratifs ne sont que 25% à considérer être créatifs, contre 65% des salariés ayant une marge de manoeuvre sur leur organisation et leurs outils de travail.

Un paradigme nouveau donc aux répercussions économiques, pointe Nathalie Forestier: “les liens entre bonheur au travail et performance sont évidents. Depuis que nous prêtons attention au bien-être chez AlloResto, notre taux de turnover a baissé.

Quid des futurs managers ?

 A croire que se munir d’un “CHO” serait le prix à payer pour s’assurer de l’efficacité de ses salariés. Un constat rejoignant les conclusions d’études universitaires menées par Harvard et Berkeley: ainsi, un collaborateur heureux serait deux fois moins malade que la moyenne, deux fois moins absent, 31% plus productif et neuf fois plus loyal. Une loyauté passant, selon l’étude Dropbox, par une plus grande autonomie donnée aux employée: en France comme en Angleterre, seuls 50% des employés se déclarent heureux lorsqu’ils travaillent à des horaires imposés, contre près de 80% quand ils bénéficient de plus de flexibilité dans leur organisation.

Les jeunes générations ne veulent plus d’un monde du travail abrutissant,” rebondit Laurence Vanhée. Une idée qui commence peu à peu à s’ancrer dans les consciences de toute une nouvelle génération de managers: “nous venons de créer un cursus universitaire avec HEC Belgique s’intitulant Happynomics, destiné aux dirigeants d’entreprise. Il s’agit du premier cursus sur le bonheur au travail,” se félicite Laurence Vanhée.

Claire Bauchart

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