L’Expatriation : quel impact sur la carrière du conjoint ?

L'expatriation

« Je cherche du travail mais j’ai beaucoup de freins car, mon mari voyageant beaucoup, je suis très prise par les enfants.» « Je ne veux pas dépendre de lui pour vivre : je flippe surtout pour le retour, cela me réveille la nuit. » « Impossible de trouver un poste en continuité directe avec mon parcours, car les recruteurs ne connaissent que les universités américaines. »

Ces témoignages de conjoints d’expatriés, des femmes dans 91% des cas, s’accumulent dans l’étude d’Expat communication. Menée au début de l’année, cette enquête donne la parole à quelque 3000 conjoints d’expatriés : une vie à l’étranger pas si douce pour ceux (et surtout celles) ayant l’ambition de continuer d’exercer une activité professionnelle. Outre la barrière de la langue à laquelle sont confrontés 86% des sondés, près de 90% relèvent  un manque de réseau dans leur nouveau pays de résidence.

Des conjoints diplômés mais peu actifs

Si la diaspora française est servie par un réseau puissant d’alliances françaises, cela est loin de suffire à l’intégration professionnelle des nouveaux arrivants « accompagnateurs » : 80% ne bénéficient ainsi d’aucune aide sur place pour leur recherche d’emploi. Par ailleurs, le manque de visibilité sur la longueur du séjour, inhérente à toute expatriation d’entreprise classique, est un frein important à la recherche d’emploi, affirment près de 30% des conjoints interrogés.

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Des situations d’autant plus frustrantes que les intéressés, dans la plupart des cas, ont un niveau de diplôme équivalent à celui de leur conjoint : 72% ont un niveau bac +4 ou plus et près de 70% parlent au moins trois langues. Dans ce contexte, l’inactivité accompagnant au moins le début d’une expatriation est loin d’être toujours bien vécue : « j’ai eu l’impression de repartir presque de zéro, cela a été une période difficile à gérer », témoigne l’un rares hommes interrogés dans l’enquête. Autre confession révélatrice : «mon mari et moi avons fait les mêmes études. Trois expatriations lui ont permis de devenir cadre dirigeant et moi, entrepreneure à temps partiel. »

L’expatriation : des situations variées selon les pays

Au final cependant, malgré la multiplicité des obstacles, près d’un conjoint sur deux parvient à retrouver une activité, à condition d’accepter de faire quelques concessions par rapport aux derniers postes occupés : 28% des compagnes d’expatriés retrouvant un emploi doivent ainsi accepter de régresser hiérarchiquement, 47% perçoivent un salaire inférieur à celui de leur dernier emploi. Ajoutons à cela de fortes variations selon les pays de résidence. Certains facteurs locaux jouent en effet un rôle clé : la nature du visa à décrocher pour pouvoir travailler, la concurrence locale ou encore le dynamisme du marché.

Ainsi, le Canada, la Russie ou encore l’Australie sont plus beaucoup plus propices à trouver un emploi que l’Inde, le Brésil ou l’Italie. Est-ce nécessaire de pointer les difficultés rencontrées lors du retour en France par ces conjoints d’expatriés ? « Pôle Emploi : pas du tout efficace. Aucune compréhension de ce que mon expérience à l’étranger a été et de ce qu’elle m’a apporté », peut-on lire parmi les nombreux témoignages de l’enquête. Tout est dit.

Des sacrifices professionnels en échange d’une expérience personnelle très valorisante

Pourtant, malgré les répercussions néfastes sur la carrière, les conjoints semblent tirer dans leur grande majorité un bilan positif de leur expérience hors Hexagone. Beaucoup n’hésitent en effet pas à relever les apports conséquents que revêt une expérience à l’étranger pour la vie personnelle : « Ce serait à refaire, je fonce », affirme une jeune femme. « Le retour sera dur pour ma carrière professionnelle mais le gain est tel côté familial que le jeu en vaut la chandelle », détaille une autre. L’expatriation, une expérience riche et exceptionnelle pour près de 85 % des sondés.

L’impact sur la carrière, négatif pour 62% des personnes interrogées, amène beaucoup à revoir leurs priorités à se poser des questions sur une nouvelle orientation à donner à leur existence. A leur retour en France, près de 46% des conjoints d’expatriés changent de secteur, voire se reconvertissent complètement. 

L’expatriation : miroir grossissant de la problématique de la double carrière ?

Mari souvent absent, charge des enfants, réseau insuffisant, et ce malgré des diplômes reconnus… Les problématiques des doubles carrières, déjà lourdes à gérer dans un contexte purement hexagonal, semblent donc démultipliées lorsque l’un des parcours s’inscrit à l’international. Les difficultés professionnelles rencontrées par les conjointes d’expatriés rappellent celles de nombreuses femmes menant carrière, en France, auprès d’un mari aussi ambitieux qu’elles.

Un sondage IPSOS publié en Avril 2014 montrait que plus d’un tiers des Français, hommes et femmes confondus, considèrent qu’une femme s’épanouit plus dans son rôle de mère que dans sa carrière professionnelle. En novembre 2014, une étude de la prestigieuse Harvard Business Review révélait que 50% des hommes de la génération estiment que leur carrière passe avant celle de leur conjointe, et que deux tiers d’entre eux s’attendent à ce que leur compagne prenne en charge l’éducation des enfants. A croire qu’en France ou à l’étranger, la belle image du working couple reste encore utopique pour beaucoup de femmes…

 Claire Bauchart

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