Célébrer les arts, découvrir des lieux mythiques, se plonger dans le glamour d’une époque, les éditions Assouline sont un peu de tout cela. A tête de cette formidable aventure : un homme, Prosper et une femme, Martine Assouline. A eux deux, ils ont révolutionné le monde feutré du livre d’art. Portrait d’une femme de tête.
Un style à la Jackie Kennedy, une bienveillance non feinte, Martine Assouline charme dès le premier regard. Mais derrière cette image d’icône de mode, il y a une amoureuse des belles choses et une nomade dans l’âme qui s’est construite au gré de ses voyages et de sa passion pour les livres.
L’esprit nomade
De son enfance aux quatre coins du monde, Martine Assouline a gardé un esprit nomade et une formidable capacité à se réinventer et cela, depuis son plus jeune âge. Ce trait de caractère tient sûrement à ses origines multiples qui s’entremêlent: portoricaines, russes, anglaises, italiennes, grecques et évidemment françaises qu’elle revendique d’autant plus après les attentats du 13 Novembre 2015 : « c’est la première fois que j’ai eu envie de dire : je suis française ! »
Cette culture française, elle la tient aussi de ses parents mais lorsqu’elle arrive dans l’hexagone pour faire ses études de droit, elle ne se sent pourtant pas à sa place. “ La France me décevait, je la trouvais un peu ennuyeuse par rapport à l’Amérique du Sud.” Elle repart donc au Pérou contre l’avis de son père et se marie.
Pourtant, à 23 ans, elle pose finalement ses bagages à Paris et se lance, pour gagner sa vie, dans le mannequinat. Une brève expérience qui semble bien loin de cette personnalité si libre. « Cela n’était pas fait pour moi, je suis quelqu’un d’impatient et c’était assez infernal d’attendre entre deux prises. » Martine Assouline rêve aussi toujours d’ailleurs et de Californie en particulier : « je voulais une ville qui soit à la fois internationale avec l’environnement d’une plage, le sport et la nature », mais avec un petit garçon en bas âge, l’idée tourne court. Elle rejoint donc une agence de relations publiques avant de rentrer chez Louis Vuitton pour s’occuper du développement de la marque en Asie. ” C’était à l’époque de Louis Récamier avant le rachat par Bernard Arnault, tout était à faire.” Pourtant, à l’époque, elle se cherche encore et a le sentiment d’être un “imposteur”. Elle part du jour au lendemain.
L’aventure d’une vie
Le livre fondateur retrace l’histoire de la Colombe d’or, cet hôtel mythique au cœur de Saint Paul de Vence qui a vu défiler les plus grandes stars de cinéma des années 50 et 60. « Nous avons voulu raconter son histoire mais aussi donner à voir l’esprit d’une époque. » L’innovation réside cependant dans le traitement du sujet : « il y avait un editing particulier avec les photos mais aussi un travail sur les mots pour que le livre corresponde à notre époque et parle aux gens d’une autre façon… ».
Mais c’est véritablement l’édition des petits livres sur les marques de mode iconiques comme Chanel, Dior, Alaïa ou Vionnet, qui font décoller l’éditeur. « Nous les avons envoyés à toutes les personnes qui comptaient dans la mode. » Le buzz est immédiat ! Les livres s’arrachent et leur prix modeste, moins de 100 francs à l’époque, conquiert un public très large qui va des étudiants en mode aux « fashion addicts ». La collection s’exporte même à l’international avec des traductions dans 8 langues.
L’univers Assouline
Mais ils ne s’arrêtent pas là et décident aussi de repenser leur mode de distribution en développant des lieux dédiés. C’est l’ouverture d’un « Corner » chez Bergdorf à New York, puis plus tard des boutiques « flagship » à Paris, Londres et New York. Véritables écrins pour l’éditeur de Luxe, ces “Maison Assouline” ont pour ambition de donner vie à la marque. On vient désormais prendre le thé chez Assouline, acheter sa bougie « Culture Lounge », un best seller, commander un meuble pour son salon ou sa bibliothèque et évidemment acheter ses « coffee table books » comme les appellent les anglo-saxons.
Aujourd’hui installée à New York, Martine Assouline continue aux côtés de son mari, « un visionnaire », l’écriture de leur histoire entreprenariale. Dans leurs projets ? L’envie de se développer en Asie mais pas à n’importe quel prix : « nous voulons nous implanter en Chine mais dans le respect de la marque. » Quant au digital, elle y pense évidemment mais là encore, il faut trouver les bons partenaires car si elle agit à l’instinct pour ses livres, elle reste une perfectionniste. C’est sans doute, cette alchimie des deux qui a fait le succès de la maison.
Dream a little dream….
Avant de nous quitter, une dernière question s’impose : quel est le livre que vous rêvez d’éditer ? « Depuis que j’ai vu la pièce de théâtre : The audience, un livre sur la reine d’Angleterre. » Elle l’a d’ailleurs rencontrée il y a quelques temps. Parmi ses autres projets, l’envie d’attirer de grands romanciers comme Jean d’Ormesson pour écrire des livres encore à imaginer… La “success story” n’est pas prête de s’arrêter.
Véronique Forge