Les Africaines et le féminisme

Les Africaines et le féminisme
Le féminisme a t-il une signification pour nos amies africaines ? Nadia Mensah-Acogny nous dévoile que si les militantes pour les droits des femmes sont nombreuses et parfois illustres, elles ne souhaitent pas être enfermées dans une terminologie dont le corpus théorique s'inscrit dans une historiographie occidentale.

Deux mots dont on entend souvent dire qu’ils sont incompatibles. Parce que, trop souvent, on veut faire rimer «Africaine» avec «misère» et «soumission» tandis que «féminisme» désigne des « femmes excessivement provocatrices et ingérables». Pourtant, le féminisme a bien sa place en Afrique et les Africaines savent en user, à leur manière, pour permettre aux femmes comme aux hommes d’être eux-mêmes. Car n’oublions pas que l’une des conséquences du «machisme » est l’enfermement des hommes dans un rôle qui peut ne pas leur convenir.

Les intellectuelles anglophones en tête Les Africaines

Mais comment aborder le féminisme en Afrique ? Les situations nationales et / ou culturelles varient beaucoup et, contrairement à certains a-priori, ce n’est pas une question de religion. Depuis longtemps, des femmes africaines se sont engagées dans la lutte pour l’émancipation des femmes en Afrique. Force est de constater que la plupart d’entre elles sont anglophones et femmes de lettres. Mon premier réflexe est de penser à Funmilayo Ransome Kuti, la très célèbre mère du non moins célèbre musicien Fela, féministe des années 1940 qui mourut dans des circonstances tragiques en 1978, suite à son activisme politique et à celui de son fils.

Issue d’une noble famille Yorouba, elle enseigna au Nigéria après ses études supérieures en Grande-Bretagne. Première femme à conduire une voiture dans son pays, elle milita pour le droit de vote des femmes et ne cessa toute sa vie de défendre la condition de ses sœurs nigérianes. Elle a bien sûr fait des émules parmi lesquelles on compte les écrivains Chimamanda Ngozi Adichie, Yewande Omotoso et Minna Salami, le professeur Amina Mama ainsi que l’avocate Osai Adjigo.

La Libérienne Leymah Gbowee mena un mouvement de femmes pour la paix et permit de mettre fin à la guerre civile dans son pays en 2003. Son courage et son action lui ont valu un Prix Nobel de la Paix partagé avec Ellen Johnson-Sirleaf en 2011. Les féministes ghanéennes ne sont pas en reste. Le professeur Dzodzi Tsikata, élue présidente de CODESRIA en 2015, Dr Rose Mensah-Kutin directrice de ABANTU for development et sa collègue Hamida Harrison. Yaba Badoe la cinéaste activiste, Abena Busia, écrivain, poétesse, professeur et présidente du Departement of Women’s and Gender Studies au Rutgers University dans le New Jersey.

Nana Sekyiamah, écrivain, activiste et bloggueuse. L’écrivain, scénariste et poétesse Ama Ata Aidoo. La musicienne Maame Afon Yelbert-Obeng et Theo Sowa, CEO du African Women’s Development Fund. Sans oublier, Aisha Fofana Ibrahim, professeur et Directeur du Gender Research and Documentation Centre au Fourah Bay College, Université du Sierra Leone. Purity Kagwiria, Directeur Exécutif de l’institut Akiri Dada qui promeut l’éducation et le leadership des femmes au Kenya. Les ougandaises Mélissa Kiguwa, poétesse et Hilda Twongyeirwe, écrivain et éditrice.

Artistes et amazones des temps modernes Les Africaines

Il y a encore Raynatou Sow, la jeune guinéenne qui, à travers son mouvement « Make every woman count », se bat pour l’émancipation et les droits des filles et des femmes en Afrique. Enfin, je pense aux «artivistes» qui utilisent l’art plastique comme véhicule pour militer pour le féminisme. La nigériane Amina Doherty, d’une part et la camerounaise Koyo Kouoh dont exposition «Body Talk : Feminism, Sexuality and the Body in the work of Six African women Artists», actuellement en cours à Bruxelles, présente le travail de femmes artistes engagées.

Le féminisme africain est donc dynamique, même si je ne suis pas certaine que la majorité des femmes d’Afrique apprécient le terme, tant il a été galvaudé et en porte aujourd’hui des stigmates. Beaucoup veulent défendre la cause des femmes, permettre leur émancipation, lutter pour leur liberté, mais avec une fermeté et une persévérance discrètes. Par ailleurs, les besoins ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre, d’une strate sociale à l’autre ou d’un milieu urbain à un milieu rural.

Les seuls points sur lesquels elles se retrouvent toutes sont l’accès aux financements, encore trop limité, le besoin de scolariser plus de filles en milieu rural, la nécessité d’améliorer les conditions de suivi des grossesses et des accouchements pour la majorité des femmes, et les moyens d’alléger la charge de travail quotidien de nombreuse femmes.

 

0
    0
    Votre panier
    Votre panier est vide