Laetitia Maffei : rencontre impromptue entre la blockchain et le marché de l’art

Laetitia Maffei
Experte dans le milieu de l’art, Laetitia Maffei a conçu Danae Human Intelligence, une blockchain privée permettant à chacun d’investir dans des œuvres digitales et d’en retirer des royalties, mais aussi de rétribuer les artistes de façon plus juste. Explications.

Formée à l’école du Louvre, Laetitia Maffei est une experte reconnue dans le milieu de l’art, passée par le musée Georges Pompidou et Sotheby’s. Persuadée que la connaissance du passé nous permet de mieux appréhender le futur, elle a fondé sa réflexion sur l’évolution de la matérialité des œuvres.

« Ces dernières deviennent de plus en plus digitales, ce qui remet clairement en question les notions de rareté et d’unicité qui constituaient la valeur d’une œuvre. Ces œuvres digitales sont consignées dans des fichiers et peuvent être reproduites à l’infini. Leur matérialité est maintenant duplicable. Avec mon associé Frédéric Laffy, nous croyons fermement qu’il faut lever certains tabous. Pourquoi le nombre de reproduction devrait être limité ? », s’interroge-t-elle. Léonard de Vinci affirmait déjà que l’œuvre était avant tout une chose mentale, parti pris mis en exergue par Marcel Duchamp et son fameux urinoir auto-proclamé œuvre d’art. Une vision partagée par Laetitia Maffei qui désire avant tout valoriser la création intellectuelle plus que la matérialité.

Pourquoi la blockchain est-elle pertinente dans le monde de l’art ?

Partant de ce constat, les deux associés ont imaginé Danae HI, une proposition à la croisée de la blockchain et de la sharing economy. Tous deux entendent vendre des œuvres digitales dans une gamme de prix oscillant entre 5000 et 15000€. Pour ce faire, ils peuvent compter sur la renommée de leur galerie virtuelle proposant les œuvres d’artistes tels qu’Alexandra Gorczynski, Sabrina Ratté ou encore Stefan Saalfeld. Et ils n’entendent pas s’arrêter en si bon chemin puisqu’ils envisagent de créer une vingtaine d’autres galeries avec leurs propres spécificités.

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« Nous sélectionnons les artistes internationaux que nous considérons être les meilleurs, nous sommes en quête du Picasso de demain », nous confie Laetitia. Avec Danae HI, la jeune femme veut permettre à tout un chacun d’investir dans l’art. Pour ce faire, les œuvres vont être divisées entre 5000 et 15000 parts, correspondant à autant de tokens. Chacun pourra investir à partir de 1€, soit 1 token. Chaque token représente une unité de valeur sur la blockchain. Le gros avantage des tokens est que chaque unité cédée donne lieu à un smart contract, permettant d’enregistrer de manière immuable le droit de propriété, mais aussi de transférer ce droit sans aucun coût financier ni recours juridique. La blockchain permet de supprimer les intermédiaires mais aussi de sécuriser les transactions. Son caractère international permet aussi de s’adapter à un marché totalement mondial.

Un modèle gagnant-Gagnant

On pourrait craindre que cette dématérialisation de l’œuvre soit propice à leur « piratage ». Mais Laetitia Maffei nous explique pourquoi ces craintes doivent être levées. « Les fichiers sont sécurisés, et, lorsque l’œuvre est achetée, nous ne l’envoyons qu’à des imprimeurs avec qui nous avons créé une relation de confiance. Si une fuite arrivait, nous pourrions attaquer en contrefaçon. Mais en réalité, cela n’aurait pas vraiment de sens étant donné que ce n’est pas la matérialité qui est valorisée dans ce modèle. Autrement dit, acheter ces œuvres sera bien sûr plus cher qu’un poster IKEA, mais très loin de prix d’une œuvre habituellement exposée dans une galerie ».

Le modèle est complètement gagnant-gagnant car les détenteurs de tokens percevront des royalties dès lors que l’œuvre sera éditée, et bénéficieront aussi de l’augmentation de sa valeur. Et les artistes dans tout cela, seront-ils perdants ? Au contraire. Ils jouiront d’un droit de suite automatique sur leur œuvre, ce qui n’est en général pas le cas pour les œuvres de moins de 50000€. « Cela signifie que les artistes vont être rémunérés à chaque étape de la cession de leur œuvre, et aussi bénéficier de l’augmentation de sa valeur », poursuit Laetitita Maffei. Avec son modèle, l’entrepreneure est convaincue de répondre aux trois piliers du marché de l’art : l’émotion, l’investissement et le service. « Chaque année, plus de 700 musées se créent, mais il faut savoir que monter une exposition coûte très cher car les coûts de transport et d’assurance sont prohibitifs. Nous apportons donc aussi une solution à ce problème là ».

Remettre Paris sur le devant de la scène

Actuellement, la startup Danae HI est incubée au sein de WAI, l’accélérateur de BNP Paribas. Laetitia Maffei et son associé travaillent à une levée de fonds de 2 millions. Celle-ci s’opérera en ICO, c’est-à-dire une levée de fonds fonctionnant via l’émission d’actifs numériques. « Il faut savoir qu’aujourd’hui, les montants levés en ICO sont plus élevés qu’en private equity », souligne l’entrepreneure. Les tokens des œuvres seront vendus avec un bonus de 40% et un droit d’accès prioritaire. Un modèle déjà à l’œuvre dans l’exploitation des vignobles.

« Je pense que tous les biens vont être titrisés. Par exemple, pour l’immobilier, cela permettra d’acheter et de vendre des parts dans des biens, et de bénéficier de leurs rendements, le tout sans aucun frais de notaire. Vous pourrez donc investir même avec seulement 20 000€ en poche », estime-t-elle. Concernant les agréments qui lui permettront de scaler, Danae HI est en cours de négociation avec l’Autorité des marchés financiers et la Banque de France.  « Emmanuel Macron a déclaré vouloir que la France soit le pays d’accueil des projets liés à la blockchain. Je suis très attachée aux valeurs de notre pays, et j’espère pouvoir co-construire mon projet avec les autorités. Pour que Paris redevienne la capitale du marché de l’art, nous devons être à la pointe de l’innovation. Ce que nous proposons avec Danae Hi est unique au monde », conclut-elle.

@Paojdo

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