Irene Toporkoff: son aventure Worldcrunch

Worldcrunch Irene Toporkoff

Avec son look de Geek: lunettes noires et style décontracté, Irene Toporkoff séduit au premier regard. Le numérique, elle est tombée dedans quand elle était ado et depuis le “virus” ne l’a pas quitté. Après avoir travaillé pour les grands, elle décide en 2010 avec son compère Jeff Israely de lancer Worldcrunch, un site qui propose le meilleur de l’actualité mondiale en langue anglaise. Pour cette ancienne adepte de Courrier International, Worldcrunch est un media global qui doit aider les individus à mieux se comprendre en leur offrant d’autres perspectives sur les enjeux politiques, économiques et sociétaux. Un bel idéal qui a su séduire dès le départ un public international. Rencontre.

Quelle a été votre vie avant Worldcrunch?

Irène Toporkoff : J’ai passé plus de 17 ans dans les média et l’internet, après des études de marketing et de management en France, en Allemagne et au Canada.

En 1997, quand j’ai débuté ma carrière -un diplôme de Grande Ecole en poche-, nous n’étions qu’aux prémices d’internet et c’était perçu comme un manque d’ambition et un « mauvais plan de carrière » de vouloir commencer sa vie professionnelle dans ce domaine. Fou quand on y pense aujourd’hui! J’ai suivi mon intuition, comme toujours, et ai véritablement été happée par la grande transformation numérique dès ses débuts. Période évidemment exaltante.

J’ai ainsi exporté des logiciels éducatifs basés sur la reconnaissance vocale, développé des contenus innovants pour Orange, lancé le moteur de recherche Ask.com en France, mis en place des stratégies de contenus pour des entreprises internationales dans l’agence digitale que j’ai dirigée. J’ai toujours été passionnée par les mille manières avec lesquelles la technologie peut se mettre au service de l’éditorial.

En fait, je réalise aujourd’hui que j’ai toujours été une « intra-preneure », donc ce fut finalement très naturel de devenir une entrepreneure quand Jeff Israely (un ancien de Time Magazine) m’a demandé de monter Worldcrunch avec lui.

Qu’est ce que Worldcrunch ?

Irène Toporkoff : Nous sommes une plateforme digitale d’information qui casse les barrières des langues et de la géographie en produisant du contenu de qualité venu des media du monde entier. Nous avons conclu des partenariats avec plus de 25 des plus grands media d’informations du monde publiés en une quinzaine de langues, et traduisons leurs meilleurs articles en anglais. Notre société est basée en France mais notre équipe est présente à travers le monde.

Pourquoi avoir décidé de lancer Worldcrunch ?

Irène Toporkoff : Donner différentes perspectives d’un même événement est un point essentiel pour nous. Notre idée est de faire découvrir le meilleur de l’information mondiale. Worldcrunch est aujourd’hui le seul media qui traduit en anglais le meilleur de la presse non anglophone. Nos partenariats incluent les quotidiens européens comme Le Monde, La Stampa, Die Welt ainsi que les plus grands éditeurs de presse chinois, turcs, brésiliens ou encore argentins.

Comment vous êtes vous financés au début ?

Irène Toporkoff : Nous avons été financés par des Business Angels dès nos débuts fin 2010. Cette année, le fonds FRCI est rentré dans notre capital. Nous avons par ailleurs été soutenus par le fonds pour la presse de Google ainsi que par la BPI (Banque publique d’Investissement)

Pouvez vous nous parler de votre campagne de crowdfunding et pourquoi avez vous décidé d’utiliser cette méthode ?

Irène Toporkoff : L’année dernière nous avons souhaité lancer une campagne sur Kickstarter pour financer une série de dossiers appelés «Worldcrunch Impact » . Le projet était de présenter des solutions venues du monde entier sur des sujets clés, au lieu de simplement exposer les problèmes. Nous avons lancé 3 séries : « Les villes intelligentes », « L’agriculture biologique » ou encore « l’ innovation dans l’éducation» avec à chaque fois des contributeurs de très haut vol comme Andreas Schleicher, un spécialiste de l’éducation au sein de l’OCDE, notamment père de l’étude PISA qui compare chaque année les niveaux d’éducation des différents pays du monde.

Les fonds que nous avons obtenus de Kickstarter ont ainsi permis de financer une partie du projet. Ces dossiers ont généré beaucoup de couverture médiatique de la part de la presse américaine qui a trouvé notre initiative journalistique très intéressante.

Quel est votre Business Model ?

Irène Toporkoff : Le business model est un mix de B2B et B2C. Nous avons mis en place un « metered paywall » avec une dizaine d’articles gratuits par mois puis un système d’abonnement payant. Nous avons également un accord publicitaire avec The Economist. Sur la partie B2B, Worldcrunch est distribué par le New York Times Syndicate.

Pour booster nos revenus et accroître notre audience, nous rentrons dans une seconde phase d’accélération, en créant notamment plus de partenariats B2C et en lançant une plateforme « corporate » destinée aux marques afin de capitaliser sur l’accès à des contenus inédits issus du monde entier que permet notre offre multilingue.

Quelle est l’audience de Worldcrunch aujourd’hui et où êtes vous le plus lus ?

Irène Toporkoff : La moitié de l’audience de Worldcrunch est aux Etats-Unis, le reste se situe dans le monde entier. Nous avons également fait récemment un sondage qui montre que les lecteurs de Worldcrunch sont très éduqués et voyagent beaucoup. Ils sont aussi évidemment très ouverts aux question du monde.

Quel est selon vous le futur du journalisme ?

Irène Toporkoff : Les lecteurs sont de plus en plus globaux et ont un besoin de lire des perspectives différentes sur l’actualité. Ils ont également un besoin de personnalisation. Sinon, le rôle des communautés, l’influence des medias sociaux et la nécessité de penser la mobilité sont des sujets clés.

Comment voyez vous les prochains développements en matière de story telling , d’information et de partage ?

Irène Toporkoff : La frontière entre l’information et la publicité devient de plus en plus ténue et c’est potentiellement un danger pour les lecteurs. Chez Worldcrunch, nous ne voulons pas rentrer dans la logique « native ad » ou « publicité native » et pensons que la distinction entre l’information et la publicité est cruciale, aujourd’hui plus que jamais. En revanche, nous croyons beaucoup dans un contenu news dédié pour les organisations et leurs clients, les marques devenant elle-mêmes des médias de niche à part entière.

Quels sont les plus grands challenges pour s’adapter au contenu news 24H/24h ?

Irène Toporkoff : Dans une organisation comme la nôtre, le challenge est vraiment de définir ce que nous n’allons pas couvrir. Nous ne sommes pas dans le « Breaking news » donc typiquement, nous préférons publier un article d’analyse sur une information de la veille. L’enjeu est vraiment de publier les articles les plus intéressants qui contiennent une approche locale ou différente de l’information. C’est la valeur ajoutée de Worldcrunch et ce qu’apprécient nos lecteurs .

Quels sont vos développements futurs ?

Irène Toporkoff : Développer des offres « corporate » pour des organisations qui sont intéressées dans le partage de contenu afin d’offrir à leurs clients et leurs audiences un contenu informatif international, original et intelligent.

Véronique Forge

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