Hélène Mérillon : avec Youboox, le livre a maintenant son Spotify

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Elle veut dépoussiérer l’image de la bibliothèque municipale. Son concept ? Pouvoir l’emmener avec soi, dans sa poche, simplement muni d’un smartphone ou d’une tablette. Rencontre avec une mordue du digital. « On dit que les jeunes lisent de moins en moins. Nous, on pense que c’est l’inverse. Ils lisent énormément sur le Web, des contenus divers et variés. Notre vision : le streaming du livre va développer la lecture et créer un marché beaucoup plus grand », martèle Hélène Mérillon. Avec ses deux associés, Fabien et Vincent, qui s’occupent de la partie techno, elle a lancé il y a deux ans Youboox, le premier modèle du genre dans le monde, en même temps qu’une autre société concurrente en Europe. Récemment, deux autres entreprises ont été fondées aux Etats-Unis et ont levé pas moins de 14 millions de dollars.

« Les gens n’ont pas envie de pirater »

Youboox s’est attaqué au marché du livre, qui représente plus de 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France. Ses fondateurs ont simplement pris le parti de transposer le modèle du streaming pour la musique ou le cinéma (Deezer, Netflix…). « Pour nous, le modèle du streaming est le plus pertinent pour les biens culturels. Les gens n’ont pas envie de pirater, mais ils veulent un service qui leur permet de piocher parmi un très large choix, de manière illimitée », soutient Hélène Mérillon. Les chiffres lui donnent raison puisque déjà 40% des revenus digitaux de la musique sont issus du streaming.

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De son côté, Youboox se présente sous la forme d’une application téléchargeable gratuitement. Elle permet à ses utilisateurs d’accéder à plus de 50 000 ebooks en ligne grâce à des contrats avec 140 éditeurs français, sans débourser un centime. La rémunération provient des bannières de publicité en bas des pages. Mais le véritable modèle économique du site, c’est un abonnement premium à 9,99 euros par mois, sans engagement, qui permet d’avoir accès à une bibliothèque beaucoup plus vaste, sans publicité, et surtout, sans être connecté à Internet. Youboox offre par ailleurs un service de recommandation d’ouvrages en fonction du profil de l’utilisateur, mais aussi une vraie démarche éditoriale. Par exemple, des lecteurs vont jouer le jeu du « speedbooking » et donner leur avis sur trois livres. Le site rebondit aussi tous les 15 jours sur des thématiques d’actualité.

« Je pense que Youboox est complémentaire du papier »

ipad_iphoneAmoureuse des livres, Hélène Mérillon est persuadée que le streaming peut venir renforcer le marché du livre en devenant complémentaire du papier. « Pour moi, l’achat de fichiers ebooks n’a pas de sens. Un fan de Katherine Pancol aura toujours envie d’avoir son dernier livre dans sa bibliothèque comme objet. En revanche, je pense que plein d’autres livres sont jetables, comme les guides de voyage par exemple », affirme la fondatrice de Youboox. Ce sont d’ailleurs les livres pratiques (bricolage, cuisine…) qui sont les plus consultés sur la plateforme. Les BD, les romans policiers et de science-fiction sont également plébiscités.

Parmi les quelque 250 000 inscrits au service freemium, on trouve beaucoup de jeunes, avec une fourchette allant de 25 à 55 ans. Mais les retraités ne sont pas en reste. Ces derniers consultent par exemple des beaux livres sur leur tablette, puisque l’expérience de lecture est souvent excellente sur ce support. Parmi les 2 500 abonnés au service premium, on observe d’ailleurs une surpondération des plus de 40 ans.

« Je suis un pur produit français »

Avant de lancer Youboox, Hélène Mérillon a connu bien d’autres aventures. Celle qui se dit être un « pur produit français » a fait toute sa scolarité en province, avant d’intégrer une classe prépa maths sup maths spé, puis l’Ecole nationale de la statistique et de l’administration économique (ENSAE). Avide de découvrir le monde du business, elle a ensuite enchaîné avec HEC, qui lui a donné une ouverture sur l’opérationnel.

Puis elle travaille 5 ans dans la finance chez Merrill Lynch à Londres, avant d’être débauchée par Egg, la première banque full Web lancée en 1998 qui a fait un carton en Angleterre. « Ses fondateurs sont les gens les plus innovants que j’ai rencontrés dans ma carrière. Avec eux, j’ai attrapé le virus du consommateur et l’envie de révolutionner leur expérience. Je pense aussi que je me suis forgé cette idée très forte : le business modèle doit être en cohérence avec la proposition que l’on fait au consommateur. On voit trop de boîtes qui piègent leurs clients », explique-t-elle. C’est ainsi qu’elle pénètre dans l’univers du digital qu’elle ne quittera plus, et qui lui apprendra une bonne règle de business : la transparence.

« Charles Beigbeder m’a appris l’importance de se donner les moyens de réaliser ses projets »

Repérée par Charles Beigbeder, elle devient directrice marketing chez Poweo, et développe une offre grand public et le site Internet. Une expérience qui renforce encore davantage son goût pour l’entrepreneuriat. « Charles est un fin stratège qui a le courage de pivoter quand c’est nécessaire, et de se donner les moyens de réaliser ses projets en prenant des risques. Il m’a aussi montré l’importance de se créer un réseau et de développer un discours en s’appuyant notamment sur la presse. Il m’a aussi prouvé que construire une entreprise en France, c’est possible », se souvient Hélène Mérillon. Elle rejoint ensuite Generali France et lance les premières applications mobiles d’assurance du marché. Ce n’est qu’après avoir mis au monde ses enfants qu’elle se consacre à la grande aventure Youboox, portée par un conjoint bienveillant qui partage toutes les tâches de la maison.

« Il n’y a pas de raisons que nous n’ayons pas notre Silicon Valley à nous »

Si elle reconnaît volontiers que les structures de financement brident beaucoup les start-up en France, elle explique qu’elle n’aurait aucun intérêt à délocaliser le développement technologique de sa boîte. « Nous avons les meilleurs ingénieurs. Nous sommes notamment en avance sur les compétences IOS. Et en plus, ils ne sont pas chers comparativement aux Etats-Unis », poursuit l’entrepreneure. Si elle admet que les Français sont parfois longs au démarrage, elle insiste sur le fort taux d’équipement en mobiles et tablettes de ses compatriotes, les tarifs de téléphonie et Internet avantageux, ainsi que sur l’excellente infrastructure télécom de l’Hexagone.

« Il n’y a pas de raisons que nous n’ayons pas notre Silicon Valley à nous », lance-t-elle. « Culturellement, les Français ne prennent pas trop de risques même s’il y a quand même quelques Business Angels. On devrait notamment travailler sur les fonds d’amorçage, mais je pense que le gouvernement s’est attelé à la tâche », déclare-t-elle. Hélène Mérillon se réjouit notamment de l’évolution de l’état d’esprit des dirigeants envers ceux qui entreprennent, rappelant que c’est avant tout le goût de l’aventure qui motive les créateurs d’entreprise, plus que l’appât du gain. Son crédo : « garder la tête dans les étoiles et les pieds sur terre ».

@Paojdo

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