Les secrets des entrepreneurs de la Silicon Valley

« En 1900, le maire de San Francisco veut que sa ville devienne le « Paris de la côte Ouest des États-Unis » ». Guillaume Villon de Benveniste l’assure : du temps de la Belle Époque, le cœur de l’innovation mondiale battait à Paris. Une théorie que ce franco-américain développe dans un livre : Les secrets des entrepreneurs de la Silicon Valley : innover pour devenir leader (Eyrolles).

« Au début du XXème siècle, 38 langues étaient maitrisées par les employés du Bon Marché. Si un client étranger ne pouvait pas communiquer avec les vendeurs, ses achats lui étaient offerts,» raconte Guillaume Villon de Benveniste.» En 2006, Jacques Chirac a quitté une réunion lors d’un sommet européen parce qu’Ernest-Antoine Seillières, alors patron des patrons européens, avait entamé un discours en anglais. Le Président de la République estimait choquant d’entendre un Français s’exprimer en anglais à Bruxelles ! C’est dire le changement de mentalité», poursuit l’auteur, par ailleurs conférencier à Centrale Paris et menant des projets de transformation dans des entreprises du CAC 40 et du Fortune 500.

Le temps de l’innovation et du leadership parisiens

Pour cet expert en innovation, en un peu plus d’un siècle, l’Hexagone a de toute évidence perdu en dynamisme par rapport au Paris de la Belle Epoque. « Au tournant du XXème siècle, on assiste à l’émergence simultanée d’une trentaine de secteurs industriels. La France est leader dans 23 d’entre eux.» peut-on lire dans son livre parsemé d’exemples précis. « L’exposition universelle parisienne de 1900 a attiré plus de 50 millions de curieux,» pointe également Guillaume Villon de Benveniste, précisant que celle de Shanghaï, il y a cinq ans, a rassemblé quelque 73 millions de personnes.

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Un engouement hors-norme pour Paris et ses technologies justifié à une époque où, analyse ce diplômé de l’ESSEC, titulaire d’une maîtrise de philosophie, « nous avons été capables d’établir une synthèse entre la technologie, l’art, l’esthétique et le monde des affaires nous plaçant au cœur de l’innovation.»

Les secrets des entrepreneurs de la Silicon Valley - innover pour devenir leader - Eyrolles - Guillaume Villon de Benveniste

La migration américaine

Une équation qui s’est depuis déplacée de l’autre côté de l’Atlantique. « La Guerre froide a permis à la Silicon Valley de décoller. Dans ces années-là, le gouvernement américain a financé les recherches sur les microprocesseurs », précise l’auteur des Secrets des entrepreneurs de la Silicon Valley, tenant également The Innovation and Strategy Blog, plateforme sur laquelle il donne la parole aux leaders français, mais surtout américains, de la question.

Autant d’éléments ayant entraîné un changement total de paradigme. De fait, les « GAFA » (« Google, Amazon, Facebook, Apple », pour les non-initiés ») ont aujourd’hui une valorisation boursière peu ou proue égale à celle de l’ensemble des entreprises du CAC 40, justement créées pour la plupart à la fin du XIXème siècle. La côte Ouest des États-Unis en revanche n’en finit plus de vibrer de dynamisme : « actuellement cohabitent dans la Silicon Valley une soixantaine de start-ups pre-IPO dont la valorisation est d’un milliard de dollars chacune ». Ces fameuses licornes, si rares au sein de l’Hexagone : BlaBlaCar est en ce moment la seule start-up française à pouvoir se targuer de faire partie de ce club très fermé. Une case par laquelle est passée Criteo avant sa cotation au Nasdaq.

Innover pour devenir leader

Un écosystème américain ultra-développé servi, en partie, par une culture de la prise de risque : « un jour, un business angel de la Silicon Valley m’a affirmé que, pour former un bon investisseur, il faut avoir soi-même perdu 25 millions de dollars. La vision est la suivante : perdre 25 millions peut permettre d’en rapporter 500 ! », raconte Guillaume Villon de Benveniste, qui co-organise depuis plusieurs années des voyages sur la côte californienne à destination de dirigeants, avec Olivier de Conihout, Directeur Général du cabinet d’outplacement L’Espace Dirigeants.

Des périples qui lui ont valu d’explorer les différentes méthodes d’innovation à l’œuvre au sein de la Silicon Valley : « il y a un ensemble de pratiques qui ont fait l’objet à la fois de recherches, d’applications, de grandes réussites commerciales ou de faillites, créant une vraie culture d’innovation », précise l’auteur. Documents et illustrations à l’appui, le spécialiste revient également sur des faits ou erreurs marquantes de l’histoire récente de l’innovation.

Par exemple, il décrit ainsi comment un nouvel entrant peut, en optimisant l’expérience client, déstabiliser une grande entreprise valorisée plusieurs milliards de dollars. « L’iPod a simplifié l’achat de la musique, ce qui a eu des conséquences lourdes pour la chaîne de distribution physique Tower Records. Cette marque de magasins de disques a connu la banqueroute en 2004. » Soit trois ans à peine après la commercialisation des premiers iPod.

Ce que l’auteur montre dans son livre est que le seul vecteur de compétitivité qui vaille est l’innovation. Pour l’illustrer, il revient sur l’évolution du secteur de la musique, particulièrement révélatrice des problématiques de compétitivité. « Aucune entreprise leader du secteur musical n’est parvenue à conserver son leadership lors des changements de formes produits : le passage, par exemple, des disques vinyles aux cassettes audio ou bien des CD à la musique digitale.

Pourtant, les entreprises concernées ont réalisé des fusions-acquisitions, des améliorations de leurs produits, des programmes de réduction de coûts, des investissements en R et D… En vain !», détaille Guillaume Villon de Benveniste. « En 2000, Sony dépose 1600 brevets par an. Cela ne l’a pas empêchée de perdre son leadership. À la même époque, Apple achète des technologies ailleurs, les intègre à ses produits. Cela va donner l’iPod et déstabiliser durablement Sony. » Un cas parmi d’autres évoqué dans son ouvrage, lequel interpellera tous ceux qui s’intéressent à l’histoire des entreprises et aux enjeux de compétitivité.

De l’importance de l’état d’esprit

Des exemples en grande partie venus des États-Unis. « Il y a une dizaine d’année, on regardait le passionné d’innovation que j’étais un petit peu bizarrement ! », raconte Guillaume Villon de Benveniste. « De fait, la France de l’après-guerre connaît une période de prospérité, mais celle-ci s’apparente avant tout à une économie de rattrapage. Or, aujourd’hui si l’on veut restaurer la compétitivité de l’économie française, il faut résolument s’engager dans une économie de l’innovation. »

A son sens, la France, qu’une grande partie du monde continue d’admirer justement pour sa créativité de la fin du XIXème siècle, gagnerait en dynamisme à la fois en exploitant les méthodes d’innovation de la Silicon Valley, mais également, en s’inspirant des valeurs qui étaient siennes au cours de la Belle Époque : « les actions des entreprises étaient alors matérialisées par des feuilles de papier, aussi grandes que des tableaux, et designées par des graphistes. Les actionnaires français affichaient ses titres chez eux. Quel changement de mentalité faudrait-il en 2015 pour qu’à Paris, nous affichions une action dans notre salon ? » Effectivement…

 

@clairebauchart

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