Mathilde Collin n’a peur de rien et surtout pas de partir aux Etats-Unis pour trouver des investisseurs et développer son entreprise. En moins d’un an, Front App est devenu un acteur majeur dans le domaine du numérique et de la gestion des informations (emails, réseaux sociaux, SMS). Rencontre avec une jeune femme qui sait ce qu’elle veut et qui s’en donne les moyens.
Il y a seulement six mois que Front App existe sur Internet et c’est déjà une révolution ?
Mathilde Collin : Effectivement, quand nous avons lancé notre première version, les entreprises ont tout de suite adhéré au projet car elles ont compris le potentiel que Front App pouvait leurs apporter. En terme de flexibilité car nos solutions facilitent les échanges entre interlocuteurs via un email. Ils nous ont même immédiatement demandé de regarder quelles solutions nous pouvions développer pour les aider à gérer leur compte sur les réseaux sociaux ou leur SMS. Car là aussi, aujourd’hui, il ne faut plus penser les interactions ‘one to one’ mais ‘one to many’.
Finalement, comment est née l’idée de monter Front App ?
Mathilde Collin : J’ai lancé Front App, avec mon associé Laurent Perrin, il y a un peu plus d’un an en France car nous nous sommes retrouvés confrontés au même problème quand nous sommes arrivés sur le marché du travail. C’est à dire que toutes les entreprises ont des adresses mails groupés, comme contact@.., job@.. ou presse@.. Mais qui répond et comment savoir qui a répondu, quand et quoi ? Or aujourd’hui les entreprises ont une masse de mails à traiter de plus en plus importante et cela risque d’aller en s’intensifiant. Qui plus est, l’email, tel qu’il a été inventé il y a plus de 45 ans, avait pour but de permettre à deux personnes de communiquer. Ce qui n’est plus du tout le cas aujourd’hui ! Il fallait repenser le système !
Ce que vous avez fait ?
Mathilde Collin : Oui. Nous avons muni l’email de nouvelles fonctionnalités collaborative pour que les entreprises l’utilise d’une manière plus souple. Une plateforme permet de commenter en interne tous les mails et tous les tweets, de suivre les conversations. Un centre de notifications permet ensuite d’être tenu au courant des dernières activités, évitant les allers-retours permanents dans la boîte de réception. C’est un moyen de mettre l’information au centre de tout pour ne pas la rater.
Et partir aux Etats-Unis est devenu une nécessité pour développer l’entreprise ?
Mathilde Collin : Dès notre lancement, même en bêta, nous avons pu constater que 80% des demandes émanaient des Etats-Unis. Et comme le plus important pour nous est la relation avec nos utilisateurs, la décision a été vite prise ! Je suis partie il y a six mois une première fois pour les rencontrer, puis je me suis rendue compte qu’il était beaucoup plus facile de développer un business tel que le notre ici, en terme d’innovation, de marché et de réactivité. Voilà pourquoi nous avons franchi le pas et l’atlantique !
Les réticences sont moins fortes aux USA ? Est-il plus facile de se faire une place sur le marché du digital ?
Mathilde Collin : Oui, tout est plus rapide ici. Même s’il est difficile de faire changer les habitudes des gens vis à vis d’un outil comme le mail. Et puis j’avais envie et surtout besoin de rencontrer de jeunes entrepreneurs comme moi. Et le vivier est très important là-bas. Ils sont en plus à l’écoute, ils n’hésitent pas à vous aider et l’âge n’est pas un problème ici. En revanche, même si beaucoup 
plus d’entreprises se créent et font le buzz ici, beaucoup meurt aussi. Aujourd’hui, 15% de nos clients sont sur le plan gratuit, 40% sur le plan à 9 dollars par utilisateur et 45% sur le plan à 19 dollars par utilisateur ce que nous permet de revendiquer une croissance de notre chiffre d’affaires de 10% à 15% chaque semaine. Donc la place était à prendre et nous l’avons investi !
S’expatrier a été compliqué ?
Mathilde Collin : Avant de partir en Californie, nous avions déjà constitué, en France, une équipe de cinq personnes que nous voulions conserver. Nous sommes donc tous partis ensemble pendant 3 mois dans un accélérateur de start-up, Y Combinator, pour développer notre business avec l’aide de mentors. Nous avons donc vécu ensemble à Pao Alto pendant toute cette période, ce qui nous a permis d’appréhender le futur grand départ et de commencer notre levée de fonds. Et d’un point de vue plus personnel je n’étais jamais allée aux Etats-Unis et c’était l’inconnu absolu pour moi !
Justement en terme de financement, où en êtes-vous ?
Mathilde Collin : Nous avons profité de notre passage chez Y Combinator pour rencontrer des investisseurs et nous sommes assez fiers car nous avons levé 3, 1 millions de dollars (2,46 millions d’euros) en deux semaines auprès d’investisseurs américains. Ce qui m’importait dans cette levée de fonds était d’avoir des personnes qui pouvaient nous aider à nous développer sur plusieurs plans. Par exemple, l’un de nos investisseurs est le créateur de gmail Paul Buchheit, car notre business est lié à cette activité. D’autres entrepreneurs ont également investi comme Geoff Ralston, ancien chef de produit chez Yahoo!, Jeff Bonforte, de Yahoo Communication… Beaucoup de belles success story !
Et être une femme et lever des fonds aux Etats-Unis, comment ça se passe ?
Mathilde Collin : Je n’ai pas du tout vécu difficilement cette partie de la construction de notre entreprise. Au contraire, nous avons été très bien accueilli avec mon cofondateur. Nous avons constaté une vraie différence de mentalité entre la France et les USA. En France, pour lever des fonds il faut avoir déjà éprouvé son business model et avoir démontré que son entreprise est viable. Aux Etats-Unis, les investisseurs ne veulent pas passer à côté du nouveau buzz numérique et ils sont donc plus enclin à prendre des risques et à miser sur vous. Pour y parvenir, il faut leurs montrer en quoi votre idée est potentiellement LE Nouveau Buzz ! Et Front App est la solution à tous les problèmes de gestion des emails aujourd’hui. Ils ont donc tout de suite compris notre valeur ajoutée. De notre côté, nous avons démontré notre ambition à révolutionner ce marché et à s’installer ici pour y parvenir. Aujourd’hui nous travaillons déjà quasiment dans le monde entier !
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