Marion Carrette: entrepreneure partageuse

Marion Carrette
Marion Carrette a su prendre la vague de l’économie du partage. Après avoir lancé Zilok, site de location d’objets en 2007, l’entrepreneure a créé en 2012 Ouicar, entièrement dédié aux prêts de voitures entre particuliers. Aujourd’hui, les deux plateformes comptabilisent respectivement 350 000 et 300 000 membres. Discussion entrepreneuriale avec une créatrice dans l’air du temps.

Business O Féminin : Comment vous est venue l’idée de Zilok ?

Marion Carrette : Tout est parti d’une mésaventure en me rendant au mariage d’un couple d’amis à Marseille! J’avais juste réservé un billet de train, persuadée qu’une fois à la gare je trouverais un copain pour m’accompagner à mon adresse d’arrivée, ou, le cas échéant, une voiture à louer. Or, je me suis retrouvée seule, sans ami, sans loueur, devant le parking de la gare bondé. J’ai pensé : « c’est idiot, on devrait pouvoir se louer des voitures entre particuliers ».

Parallèlement, mes associés ont vécu une anecdote toute aussi révélatrice : un dimanche, ils voulaient accrocher un miroir mais n’avaient aucune perceuse pour percer un trou. De la même façon, ils se sont dit : « parmi nos voisins, certains ont sûrement une perceuse. Ce serait bien de disposer d’une base de données réunissant tous les objets autour de nous. »

A l’époque, en 2007, les sites un peu généralistes comme eBay étaient à la mode mais proposaient surtout des objets à la vente. Après mon expérience malheureuse à Marseille et le manque d’outils de mes associés, nous avons choisi de nous tourner plutôt vers la location !

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Business O Féminin : Avez-vous convaincu facilement les investisseurs lorsque vous vous êtes lancée ?

Marion Carrette : J’ai eu la chance de rencontrer assez rapidement Marc Simoncini. Il a immédiatement décelé un potentiel en Zilok, qu’il trouvait sommes toutes assez proche de Meetic: dans les deux cas, il s’agit de plateformes, ayant besoin de propriétaires et de locataires d’un côté, d’hommes et de femmes de l’autre. Il est nécessaire d’abord de constituer une offre, ensuite d’amener des demandes.

Par ailleurs, Marc est assez sensible au fait que d’ici une dizaine d’années les véhicules auront disparu des centres villes et que l’on va utiliser des modes de transport de plus en plus partagés.

Mes associés et moi avons ainsi pu lever de l’argent : 2 millions d’euros pour Zilok. Quant à Ouicar, lancé en 2012 pour être consacré uniquement à la location de voitures, l’ensemble des autres objets étant alloués à Zilok, nous en sommes à 4 millions et demi d’euros.

Business O Féminin : Observez-vous une croissance plus importante de vos membres ces dernières années ?

Marion Carrette : Oui. Il y a eu un engouement à partir du moment où les médias ont commencé à beaucoup parler de Airbnb, et ensuite de consommation collaborative. D’autre part, je pense que la France a une culture propice à ce type d’économie : nous sommes très système D ! D’ailleurs, notre pays est assez innovant concernant les nouvelles formes de mobilité. On le voit bien avec l’exemple du Vélib.

Business O Féminin : Sur vos plateformes, quels sont les profils de vos utilisateurs et fournisseurs ?

Marion Carrette : Il n’y a pas vraiment de profil type ! Zilok attire aussi bien des retraités que des jeunes, cela dépend de la typologie des produits loués. Sur Ouicar, nous avons deux types de membres : ceux qui ne roulent pas sur l’or et cherchent à arrondir leurs fins de mois, puis les autres, plutôt citadins, cherchant à rentabiliser un véhicule dormant dans un garage.

Business O Féminin : Estimez-vous avoir des points communs avec les entrepreneurs qui se lancent dans le coworking ou le crowdfunding ?

Marion Carrette : Nous nous basons tous sur le partage de ressources et donc sur des logiques reposant essentiellement sur la confiance. Nous avons beaucoup de problématiques communes : comment arriver à une masse critique, comment générer la confiance sur nos sites… Le tronc commun est le même : générer des activités entre particuliers.

Business O Féminin : Etes-vous sollicitée par des entreprises traditionnelles ?

Marion Carrette : Certains loueurs nous considèrent comme une menace. A côte de cela, il nous arrive très souvent d’être approchés. Nous avons par exemple fait il y a quelque temps un partenariat avec Citröen. Nous avons mis au point une opération où ils proposaient des Citroën électriques en leasing à des clients pendant deux ans à un prix attractif, à condition qu’ils les mettent en location. Côté Citroën, le succès a été immédiat car toutes les voitures sont parties rapidement. Ils ont compris que si leurs voitures étaient louées, elles rouleraient plus et auraient potentiellement besoin d’être renouvelées plus rapidement.

Business O Féminin : L’économie du partage est-elle en train de donner naissance à une nouvelle espèce de consommateur ?

Marion Carrette : L’un des aspects que j’aime beaucoup dans la consommation collaborative est que les gens se prennent en main, et commencent ainsi à gagner des revenus. Sur OuiCar et Zilok, certains membres sont au chômage ou ne perçoivent que de petites retraites. Pour eux, gagner 100 euros grâce à des locations n’est pas négligeable.

Je pense notamment à un retraité adepte de Zilok et qui m’appelle régulièrement pour me dire : « vous me permettez de gagner un peu d’argent et de rencontrer des gens. » Bref, cela permet à quelques uns de remettre le pied à l’étrier et de se créer un début d’activité !

Business O Féminin : Aujourd’hui, grâce au numérique, s’inscrit-on dans un nouveau mode de consommation, de vie ?

Marion Carrette : Je pense que tout le travail salarié classique est en train de disparaître. Cela nécessite que l’on repense fondamentalement le système, notamment concernant tout ce qui découle de la retraite, de la sécurité sociale etc. De plus en plus de personnes télétravaillent, deviennent freelance, créent leur activité. Beaucoup n’ont plus envie de s’embêter avec des intermédiaires. Notre société se veut légère et créative.

@clairebauchart

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